Archives mensuelles : février 2014

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Hannah Arendt – L’esclavage dans l’Antiquité

Document complémentaire

Hannah Arendt – L’esclavage dans l’Antiquité

      Dire que le travail et l’artisanat étaient méprisés dans l’antiquité parce qu’ils étaient réservés aux esclaves, c’est un préjugé des historiens modernes. Les Anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeaient qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie. C’est même par ces motifs que l’on défendait et justifiait l’institution de l’esclavage. Travailler, c’était l’asservissement à la nécessité, et cet asservissement était inhérent aux conditions de la vie humaine. Les hommes étant soumis aux nécessités de la vie ne pouvaient se libérer qu’en dominant ceux qu’ils soumettaient de force à la nécessité. La dégradation de l’esclave était un coup du sort, un sort pire que la mort, car il provoquait une métamorphose qui changeait l’homme en un être proche des animaux domestiques. C’est pourquoi si le statut de l’esclave se modifiait, par exemple par la manumission, ou si un changement des conditions politiques générales élevait certaines occupations au rang d’affaires publiques, la « nature » – de l’esclave changeait automatiquement.

L’institution de l’esclavage dans l’antiquité, au début du moins, ne fut ni un moyen de se procurer de la main-d’œuvre à bon marché ni un instrument d’exploitation en vue de faire des bénéfices ; ce fut plutôt une tentative pour éliminer des conditions de la vie le travail. Ce que les hommes partagent avec les autres animaux, on ne le considérait pas comme humain. (C’était d’ailleurs aussi la raison de la théorie grecque, si mal comprise, de la nature non humaine de l’esclave. Aristote, qui exposa si explicitement cette théorie et qui, sur son lit de mort, libéra ses esclaves, était sans doute moins inconséquent que les modernes n’ont tendance à le croire. Il ne niait pas que l’esclave fût capable d’être humain ; il refusait de donner le nom d’ «hommes » aux membres de l’espèce humaine tant qu’ils étaient totalement soumis à la nécessité.) Et il est vrai que l’emploi du mot « animal » dans le concept d’animal laborans, par opposition à l’emploi très discutable du même mot dans l’expression animal rationale, est pleinement justifié. L’animal laborans n’est, en effet, qu’une espèce, la plus haute si l’on veut, parmi les espèces animales qui peuplent la terre.

Condition de l’homme moderne, Paris, Ed. Calmann-Lévy, 1961, pp 95-96

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Etude comparée : Les raisins de la colère / Voyage au bout de la nuit

Etude comparée de deux extraits : Les Raisins de la colère / Voyage au bout de la nuit

                                                                 Véronique Perrin

                                                         Lycée Voltaire, Wingles

  1. I.         Le travail mécanisé
    1.  les conditions de travail

Céline

Steinbeck

Monde métallique froid boîte aux aciers – boulons –  tout ce qu’on touche, c’est dur à présent – ferraille cylindresIl était assis sur un siège de fer, les pieds sur des pédales de fer + lames – herse – dents de fer + douze verges en fer incurvées, érigées à la fonderie  (les métonymies)
Monde bruyant le fracas énorme de la mécanique – bruit de rage énorme (hyperbole + personnification : hostilité des machines) tonnerre des cylindres (métaphore) – le grondement de ses cylindres détonants  
Trépidations tout tremblait dans l’immense édifice – le tremblement – des secousses – vibré du haut en bas –  tremblotante – agitant tonnerre des cylindres (qui) faisait trembler la campagne
Puissance des machines = danger ; peur hyperboles (rage- tout tremblait dans l’immense édifice) la puissance de son élan, qui suscite la peur : faisait trembler la campagne. Le rythme ternaire des verbes d’action (il fonçait droit / coupait / rebroussait) souligne cette puissance. 
Toxicité avec cette odeur d’huile, cette buée qui brûle les tympans et le dedans des oreilles par la  gorge.  

 

 

=> conditions de travail difficilement supportables, dans un univers démesuré chez Céline (immense édifice), avec un outil de travail hostile (rage – herse / dents de fer)

 

  1. La monstruosité du travail

 

Céline

Steinbeck

Violence exercée sur… Sur l’homme : aliénation de l’homme par la machine : soi-même des pieds aux oreilles possédé par le tremblement – qui vous prenait le dedans et le tour de la tête et plus bas vous agitant les tripes et remontait aux yeux par petits coups précipités, infinis, inlassables = dislocation du corps humain (importance des métonymies + très gros plans)
+ dislocation de la phrase : rythme des phrases agrammaticalesL’ouvrier est possédé par les vibrations des machines. 
–        Sur l’homme : Personnification, chez Steinbeck, du tracteur en monstre, doué d’un libre arbitre (lâché en liberté). Il semble être la créature d’un diabolique inventeur invisible et tout puissant :  le monstre avait construit le tracteur. Le laboureur est possédé par le monstre qui est entré en  lui. Sur la terre, personnifiée, en figure martyre : le viol sans passion de la terre (image annoncé par les douze verges ?), par les objets qui entaillent (disques luisants qui coupaient avec des lames – lames tranchantes qui brillaient, polies… – coupée – herse – dents de fer) ; la violence exercée sur le sol par les lames  (’émiettaient – s’aplanissait ) : le labour trop profond détruit la terre :  Accouchait avec le fer (image des forceps) et mourait peu à peu sous le fer. Extrême précision, quasi chirurgicale, du geste du labour dans une longue période : le labour n’a plus rien d’un acte paysan.  Le mot chenille connote le tracteur à l’armement, rappelant les origines militaires du matériel  agricole.

 

  1. Le rapport de l’homme à la machine
 

Céline

Steinbeck

Considération de l’homme pour la machine les ouvriers penchés soucieux de faire tout le plaisir possible aux machines. Au contraire, chez Céline, l’homme brutalisé, soumis à machine qui l’aliène semble aimer l’outil d’aliénation (personnifié). Finalement, chez Céline, la monstruosité résulte davantage de l’acceptation-même du martyr, de la résignation.  une sorte de fascination de l’homme pour la puissance du tracteur (il pouvait admirer) ; un sorte d’aveu d’infériorité mais sans lien affectif : mais ce n’était pas son tracteur. Pas de rapport de possession puisque l’employé est un journalier.

 

  1. II.       La perte d’humanité
    1. L’impuissance humaine
 

Céline

Steinbeck

L’homme dominé l’homme est le jouet des machines (cf. ci-dessus),l’homme est le jouet des chefs : nous fûmes répartis en file traînardes (voix passive) – on ne pouvait ni se parler ni s’entendre (travail sur les procédés de dépréciation : suffixe péjoratif, nom collectif, pronom indéfini) Abondance  de termes marquant l’absence de contrôle (le conducteur était incapable de le maîtriser… ) + pléthore de négations soulignant cette impuissance : répétition de ne pouvait pas, etc.  =>  l’homme se caractérise par tout ce qu’il n’est plus en mesure de faire.Cela s’oppose au rythme ternaire de verbes d’action:  foncer droit / couper / rebrousser chemin – une fois la machine en action ; l’homme ne peut que la subir. 

 

  1. L’homme-machine :

Céline

Steinbeck

L’homme  privé d’individualité Pas d’individualisation des ouvriers : pronom indéfini on  + tournure impersonnelle : il en restait à chaque fois… « L’homme » (L.1), sans individualité, finit par ne plus être désigné que par le terme de « conducteur » : il se réduit à sa fonction (au service de la machine)
L’homme disloqué Désignation des hommes par métonymies : viande, tripes  = dislocation Désignation des hommes par métonymies :  par ses mains, son cerveau, ses pieds… Il y a perte d’entitéDépersonnalisation :  l’homme disparaît sous ses accessoires : gants, lunettes, masque…  lui avait bouché les yeux avec des lunettes (comme s’il n’avait plus d’yeux, plus de mains, plus de nez, plus de bouche, bref plus rien d’humain).
L’homme animalisé Animalisation : viande, tripes  – contremaître = cochonl’image d’un troupeau qu’on conduit à l’abattoir (files traînardes par groupes hésitants – à mesure qu’on avançait on les perdait les compagnons)
L’homme-machine on en devenait machine aussi soi-même à force de… L’homme  fait  corps avec la machine, avec qui il forme un individu  monstrueux  :  L’homme assis sur son siège n’avait pas  l’apparence humaine : gants (…) sur son siège.  Cette machine prolonge l’homme. L’homme devient monstre, robot. Le monstre est entré   dans son corps et le possède  :  pénétrer dans les mains du conducteur, dans son cerveau, dans ses muscles

 

 

  1. Perte des valeurs humaines
 

Céline

Steinbeck

Négation des valeurs qui fondent  l’humanité avec les trois idées qui restent  + partout ce qu’on regarde, tout ce que la main touche, c’est dur à présent. Et tout ce dont on arrive à se souvenir.. .  est raidi comme du fer. … n’a plus de goût dans la pensée…  Même impression que l’homme est étranger à lui-même, indifférent à tout. la connaissance (ne connaissait pas) ;la possession (appropriation , contrôle) (ne possédait pas) ;la foi (n’implorait pas) ;la faculté de penser, du libre- arbitre (sans que sa volonté fût intervenue) ;

les sentiments et émotions (cela ne faisait rien – ne s’en inquiétait pas plus que le tracteur.) ;  indifférence

ð Perte des valeurs humanistes  sans

s’en soucier : il était fier des lignes droites qu’il avait travées sans que sa volonté fût intervenue

 Le pire= l’absence de révolte ; la résignation→acceptation : on cède au bruit comme on cède à la guerre – on se laisse aller aux machines→Leur position est symbolique : penchés, baisser la tête = soumis aux machines.→Céline critique cette résignation à l’humiliation : C’est pas la honte qui leur fait baisser la tête.   – On a du mal à se dégoûter de sa substance  (de soi-même) ; un instinct de préservation qui nous fait accepter l’état le plus vil→ même le  contremaître, discrédité, possède une qualité : « bien patient » : résignation

 aucune revendication – cf. répétition de muselerCondition tragique → catastrophe tragique :  elle est en catastrophe cette infinie boîte aux aciers… →L’homme est condamné à un travail parcellisé qui perd son sens (passer des petites chevilles  à l’aveugle d’à côté qui les calibrait, lui, depuis des années, les chevilles, les mêmes.) L’homme est un aveugle qui court à son destin sans plus être conscient de lui-même. Il est le  jouet d’un destin absurde, happé par le rythme aliénant et répétitif de la chaîne : mes minutes,  mes heures, mon reste de temps… = condamnation à perpétuité, pris dans les engrenages de la machine (infernale)→ L’ouvrier est un Sisyphe on tourne dedans et avec les machines et la terre. Tous ensemble.ð La condition tragique est renforcée (dernier paragraphe) par le fait que le « je » intervienne dans ce texte,  qui offrait  tout d’abord une vue globale

 

    

  1. III.     Le rapport de l’homme à l’univers (l’altérité)
    1. Le rapport à l’environnement
 

Céline

Steinbeck

Rapport à l’environnement= perte d’un contact / indifférence au monde (de l’homme au monde ; du monde à l’homme) Usine univers sans spiritualité : l’homme n’est plus que viande, qui ne parvient pas à se dégoûter de sa substance, même devenue vile. Déshumanisation de l’ouvrierð  Déshumanisation qui entre dans une perspective plus large d’une philosophie de l’existence  (matérialisme)

La vie au dehors

Société matérialiste où il vit dorénavant : il faut abolir la vie du dehors . Tout ça pour participer à une société de consommation qui ne produit plus que du matériel au détriment de la spiritualité (On l’aimait pas assez telle quelle était. Faut en faire un objet, du solide.)

 

 relation  à la terre.→ inversion : les éléments naturels (le tonnerre) sont seulement métaphoriques, sans réalité. La terre, tout comme l’homme, est digérée par la machine : … ne faisait plus qu’un avec l’air et la terre.→L’homme perd tout contact sensuel  avec la terre qu’il cultive ::  il ne pouvait pas voir la terre telle qu’elle était, ne pouvait pas sentir ce que sentait la terre. (….)n’avait écrasé entre ses paumes.. n’avait laissé couler la terre entre ses doigts

 il perd tout contact sentimental : ni aimée  ni haïe .Elle lui est indifférente : il n’aimait pas plus la terre… sans passion

→ Reste une  une perspective de rendement économique  (cf. banque).  Mais il est indifférent à son état de fécondité ou stérilité : si les jeunes plants se fanaient… pluies diluviennes

ð  Pour parodier Vercors,  l’homme est devenu un « animal dénaturé », qui ne fait plus corps avec la nature.

 

→ Steinbeck rappelle pourtant  l’omnipotence de la terre  (la puissance de la terre.  L’étendue de son pouvoir).  Elle est démiurgique, car liée à la fécondité, aux sources vitales : chaleur – eau – fertilité : graine – croissance – mottes chaudes – couler la terre. Elle est d’ailleurs personnifiée (ce que sentait la terre… ni sentir la chaleur de…), comme une divinité qu’ancestralement on célébr(ait) , implor(ait), voire on maudi(ssait)  = imprécations dans les cataclysmes. Ce rapport païen, panthéiste, à la terre,  est perdu : elle n’était l’objet ni de prières ni de malédictions

 

 

  1. Le rapport à l’autre
 

Céline

Steinbeck

Le rapport à l’autre Travail à la chaîne = travail collectif, donc la relation à l’autre est très présente :nous fûmes répartis en files  traînardes ; par groupes – on les perdait les compagnons.  Pessimisme du narrateur (voire cynisme) sur ces relations humaines :

→ rapport à l’autre quasi-impossible : on ne pouvait plus ni se parler ni s’entendre

→ évolution : du   sourire  au compagnon  à  la perte de lien : dislocation du groupe, décompte progressif : il en restait à chaque fois trois ou quatre autour d’une machine. Un travail qui isole

→ clin d’œil ironique : la formule solidaire  tous ensemble s’applique dorénavant à la condition tragique.

→ Céline semble avoir du dégoût pour l’homme : (vous écoeure…  )mouvement d’ouverture :   de « l’homme » (le conducteur) à « l’homme » (en général).→ tout le rapport humain à l’environnement est altéré :  ouverture sur les consommateurs: Personne n’avait touché la graine… Les hommes mangeaient ce qu’ils n’avaient pas produit, rien ne les liait à leur pain.Il n’y a plus aucun lien charnel avec les éléments .

Où va le travail humain?                       

 →  Voyage au bout de la nuit 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Lecture analytique : retour aux mots sauvages , TH Beinstingel

Retour aux mots sauvages , Th. Beinstingel (2010)

Véronique Perrin

Lycée Voltaire, Wingles

Thierry Beinstingel  (né en 1958) est un cadre dans les télécommunications. Sa production littéraire est consacrée au monde du travail : avec réalisme, il aborde le quotidien déshumanisant du secteur tertiaire.. Il a obtenu le prix « Amila Meckert » en  2013 pour son roman Ils désertent.

Retour aux mots sauvages (2010) : A 50 ans, le protagoniste, technicien dans un groupe de télécommunications, vient d’être licencié. La même entreprise lui propose une fonction de téléopérateur. Il s’appelle désormais Eric. Lui a qui a toujours travaillé de ses mains,  se retrouve derrière un écran d’ordinateur ; il vit très mal  ce métier dépersonnalisant. Il se réfugie dans la course à pied et l’écriture. Dans l’extrait étudié, il est amené à traiter la demande d’un drôle de client (la suite du roman nous révèlera qu’il est handicapé et  alité), pour lequel il va transgresser les règles « déontologiques » .

Problématiques :   à quel procès du monde de l’entreprise l’auteur se livre-t-il dans cet extrait ? Pourquoi peut-on dire que faire acte d’humanité  c’est faire  acte d’insoumission dans cet univers professionnel ?

  1. Téléconseiller, un métier de service…
    1. 1.     La situation  romanesque : anecdotique et banale

–        Une anecdote à caractère général  :  un jour  (L.1) –  un type  (L.1) → valeur emblématique de l’anecdote

–        Situation banale : réclamation d’un client auprès d’une société de service (chèque égaré) – (L.3) Trois contacts successifs (L.1) (L.4) (L.8) avant que la situation ne soit régularisée :  tout est arrangé (L.28)

 

  1. 2.     Le paradoxe : un métier de « service » qui n’en rend aucun  :

–        L’identité du client n’importe pas : un type  (L.1),   le gars  (L.2),  ce type  (L.5),  le client  (L.8),  l’autre  (L.17)

–        Le client = cible commerciale . Il appelle pour un problème personnel (le gars voulait juste qu’on lui rétablisse la formule de base sans laquelle son téléphone devenait inopérant – L.2). Le téléconseiller doit  tent(er) de vendre (L.1) un produit avant  de traiter sa demande. Lui rendre service est le cadet des soucis du vendeur qui a des objectifs commerciaux à atteindre.

–        D’ailleurs l’incompétence signale que le service rendu n’est pas la priorité : mon téléphone est toujours coupé (L.10)

–        L’absence de suivi des demandes ne favorise pas l’efficacité : affectation aléatoire des appels vers deux cents téléconseillers au moins (L.14) Une chance sur cinq cents (L.15) de retomber sur le même opérateur. Le calcul de probabilité ou encore l’image de la loterie (L.15) souligne l’indifférence aux problèmes du client. Les termes loterie et veine (L.16) ne font pas très professionnels ! Les clients  n’ont même pas conscience de l’ampleur  de l’indifférence à leur égard  : Inconscient d’une telle veine… (L.16)

  1. 3.     L’histoire d’une dissidence

–        Le protagoniste est mal à l’aise dans son nouveau métier commercial, lui qui était technicien :  vendre n’est pas son fort (L.1/2)

–        Dissidence = 2  initiatives personnelles du protagoniste pour venir en aide au client :

  • A la pause, seul dans la cafétéria (L.4) , avec son téléphone portable (L.5) personnel : la cafétéria est un espace à la lisière : un espace professionnel réservé au temps personnel (la pause) ; rappeler le client sur une ligne personnelle
  • Sur son écran professionnel (L.8) ; le protagoniste va prendre l’initiative de forcer une transaction (L.22). La violence du verbe « forcer » suggère un acte de sabotage (alors qu’il ne s’agit que de rétablir une ligne téléphonique payée)

–        La « révolte » se marque aussi par le fait qu’il ôte son casque pour parler en aparté à Maryse (L.22) ; il sort des clous.

–        Le caractère insolite de l’initiative est souligné par la réaction forte  de Maryse , dans une parenthèse de commentaire : (Maryse le regarde, éberluée) (L.19)

ð  Il y a donc progression : l’insubordination entre progressivement au sein de l’entreprise.

ð  En même temps le caractère dérisoire de l’acte de rébellion interpelle : rendre service, rendre justice  c’est  être insoumis !

–        Pessimisme de « l’humanisme » pratiqué au sein de l’entreprise ; pessimisme du final où la routine robotisée reprend le dessus : la voix préenregistrée d’un Eric de pacotille s’achemine à son insu. (L.32) Pas de temps (quelques secondes à peine) pour les états d’âme…

  1. II.             Les  relations humaines
    1. Relation dépersonnalisée

–        La relation commerciale est vidée de sa nature d’ « échange », de communication.

–        Le texte fait se rencontrer deux voix :

  • La voix du client : elle est abondamment qualifiée : étrange, comme essoufflée, une sorte de rebond métallique (L.5/6) ; la soufflerie d’acier à l’autre bout (L.28) ; sa voix de robot asthmatique (L.9) . Elle est donc présentée comme robotisée, voire animalisée (couinement, L.6). Elle est constamment dévalorisée : étrange client à voix de casserole  (L.24) Mais elle est aussi pathétique : comme essoufflée (L.5) , paroles souffreteuses, mots étiolés, en mercis épuisés  (rythme ternaire , L.28). Sa voix d’outre-tombe (L.16) La voix de quelqu’un de malade, dont le drame est évoqué  implicitement  : oh moi, vous savez, la chance  (L.16). Comme un dernier souffle, qui se heurte à la voix des téléconseillers.
  • La voix du téléconseiller : voix préenregistrée (L.32), qui dispense des phrases prédigérées que le logiciel élabore (L.11) Une vraie voix de robot, cette fois-ci !

–        L’acte de dissidence consiste à remettre de l’humain dans la relation : recontacter personnellement l’individu (L.4) ;  Reconnaît(re)  les coordonnées du client en même temps que la voix (L.9) ; il l’a reconnu, qu’il connaît bien son problème (L.14) => donc individualiser  le client

–        Cela permet aux sentiments de s’exprimer : cf. vocabulaire du client :  très heureux… très important pour moi… (L.7) les compliments du client (L.7)

  1. La perte d’identité

–        La double identité du fait du pseudonyme  :  l’opérateur Eric  (L. 14) =  un Eric de pacotille (L.32)   : évoluer dans son métier comme  un fantoche .   Un masque infligé comme une souffrance : la foutu prénom choisi par hasard (L.17/18). Ce prénom, pris au hasard, n’est  attaché à aucune essence, à aucune personnalité.

–        Des conseillers interchangeables : dans l’affectation aléatoire des appels vers deux cents téléconseillers au moins  (L.14)

–        Le  besoin de renouer avec une vraie personnalité : la situation vécue lui offre pour la première fois l’impression que son nom d’emprunt a du sens, une utilité : il permet de se  faire (lui aussi) reconnaître : Et Eric, votre opérateur, pour la première fois qu’il a veine de se nommer ainsi   (L.17) Pour la première fois, il le revendique ; d’ailleurs le texte, à partir de la ligne14, le démultiplie : utilisé 9 fois.

–        Enfin la formule figée, toute faite,  préenregistrée, votre opérateur (L.17) peut s’investir de son sens plein : don de soi ; se mettre au service de, être dévoué à… que le prénom serve au moins une fois (L.18)

–        La geste épique : le geste fondateur, qui l’intronise, qui lui donne pleine possession de son prénom. Il associe son prénom à une origine illustre : Ah être Eric dans la signification germanique de ce prénom de maître, de chef, de puissant, porté par plus de trente trois norvégiens, danois, suédois, un dieu presque…. (L.29) Il va être galvanisé par son prénom d’opérateur à goût de fer  (L.25)

–        L’opérateur vit la situation comme une action épique : Eric, preux chevalier des ondes, Eric, sauveur du client en détresse. (L.26). Etre un redresseur de tort. Le rythme du texte s’emballe :  Et Eric qui… = structure répétitive. Eric devient le sujet de nombreux verbes d’action/ de parole :  Erice, donc, qui vérifie, qui dit, qui parle, qui discute, persuade, vole d’écran en écran …  (L.18) ;  et l’Eric tout neuf (…) qui apostrophe maintenant… (L.21) ; Eric qui sait trouver les mots qui persuadent (L.26) ;  Et, de suite, Eric, qui effectue la manœuvre logicielle. (L.27) Les structures syntaxiques privilégient les subordonnées relatives : par cet acte, le protagoniste investit son prénom,  fonde son identité. Il se réalise enfin. Il vibre et vit enfin : Et lui, de plus en plus affirmatif, enfiévré, électrisé, galvanisé. (L.25) = rythme ternaire . L’Eric tout neuf , enfin fier de son prénom  (L.21) Il trouve enfin un sens à sa vie professionnelle.

–        Dérisoire geste épique   (qui tient surtout d’ailleurs à des mots) et qui retombe lamentablement dans la voix préenregistrée (L.32)

 

  1. III.           Les mots

Avant tout une histoire de mots.

  1. Les mots  serviles

–        Les mots commerciaux :  fallacieux et lénifiants : le contrat Optimum confort (L.1 ) – on vend des mots avant tout.

–        La page d’accueil en couplage téléphonie-informatique (L.8/9) : rien n’est moins bien nommé que cette page d’accueil, si peu accueillante puisque robotisée. Les mots perdent leur sens. Que puis-je pour votre service ? (L.33) : aucun service rendu

–        Voix préenregistrée – phrases prédigérées que le logiciel élabore = la voix d’un robot

 

  1. Retour aux mots sauvages

–        L’acte de dissidence est avant tout un acte de parole : il aurait fallu répondre les phrases… (L.10). L’irréel du passé montre qu’il ne s’y soumet plus : au lieu de quoi, il apostrophe le client… (L.12)

–        Le verbe « apostropher » revient deux fois : il apostrophe le client puis Maryse (L.21) C’est le signe d’une parole  dynamique. Vitalité recouvrée = être vivant à travers ses propres mots.

–        Des mots dynamiques capables d’insuffler la vie aux  paroles souffreteuses, (…) mots étiolés,  (…) mercis épuisés (L.28) du client

–        La geste épique est langage :  qui parle, qui discute, qui persuade (…) et qui conclut.. ; (L.)  – Eric qui sait trouver les mots qui persuadent (L.26) jusqu’à l’expression hyperbolique :   logorrhée incroyable (L.19)

–        Le combat = redonner du sens au mot, leur vrai valeur : un accueil ; un service ; l’origine du prénom Eric.

  1. Ecrire « Retour aux mots sauvages

–        Ecrire ce roman, c’est retourner aux mots sauvages, faire acte de rébellion

–        Le symbole du stylo à quatre couleurs : encre bleue du stylo = client à rappeler ( L.4) – une autre encre est réservée à son écriture personnelle, en marge

–        Le style même du roman : écriture peu littéraire, ton  familier (certains ont de ces histoires – L.3) : s’affranchir du ton formaté et aseptisé de la communication professionnelle

–        L’impression de soliloque émanant du texte  : les dialogues,  sans mise en forme respectée, nous donnent  l’impression d’être immergé dans la conscience du protagoniste,  de vivre la situation en son fort intérieur, comme un enfermement dans sa profonde solitude

Conclusion

Dans ce texte, les valeurs humaines sont représentées  par la relation établie entre le téléconseiller et le client. Ce dernier n’est plus défini comme une « cible commerciale » mais un individu identifié pour lequel le vendeur éprouve de  l’empathie . Le professionnalisme vise à redonner son sens plein au mot « service ». Mais renouer ce type de contacts humains, c’est un  acte d’insubordination lourd de conséquences (cf. document complémentaire- chap.25). Dans un univers professionnel formaté, l’ennemi public n°1 est l’initiative personnelle, celle qui donne pourtant l’impression d’exister. Interchangeables, privés de voix, les téléconseillers accomplissent un travail dégradant où se dissout leur identité. Seule la reconquête des mots permet de sortir de cette aliénation. Le téléconseiller, un esclave moderne, au même titre que les dactylos évoquées par Pagès dans « Harcèlement textuel » (document  5), condamnées à reproduire sans les comprendre, pour un salaire de misère, des textes porteurs d’un appel à la liberté.

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Lecture analytique : » l’enquête » Claudel

L’Enquête, Claudel (2010)

 Véronique Perrin

Lycée Voltaire, Wingles

Philippe Claudel (né en 1962) est membre de l’Académie Goncourt. Ecrivain à succès, il a obtenu le Goncourt des Lycéens pour son roman, Le Rapport de Brodeck (2007),  une sombre fable en relation avec la Shoah, dont l’anthologie reproduit un extrait (P.158). Avec L’Enquête (2010), Claudel  récidive et conjugue la réalité la plus cynique  avec l’univers fantaisiste de l’apologue. Fortement  inspiré par l’absurde kafkaïen, ce roman porte un regard sans appel sur le monde de l’entreprise moderne.  Sa situation de départ n’est pas sans rappeler d’ailleurs, celle du roman Ici comme ailleurs, cité  par l’anthologie humaniste (P. 258).

Appelé pour faire  une enquête sur la vague de suicides qui sévit dans l’entreprise, l’Enquêteur entame une longue marche vers le néant, au sein d’un  univers tentaculaire et menaçant, où les êtres sont réduits à des fonctions professionnelles. Un univers cauchemardesque, déshumanisé, où la mission d’investigation est vouée à l’échec puisque rien n’a de sens.  A la fin du roman, alors qu’il souhaite rencontrer la Direction, l’Enquêteur bascule de la salle d’attente dans un container, dont il parvient à sortir

 

Problématique :  à travers l’apologue, comment Claudel dénonce-t-il les orientations de l’économie actuelle en créant un univers apocalyptique ?

  1. I.               Un excipit d’apologue
    1. Dénouement :

–         Le sort de l’enquêteur en passe d’être dénoué  : un destin particulier  {le premier  à sortir de cette boîte  (L.2) =  chance} , ce  qui lui donne droit à accéder à une vérité : révélation de l’Ombre. Mais une vérité somme toute ambiguë  (Sommes-nous en Enfer ? qui est l’Ombre ?)

–        Malgré tout l’Enquêteur aura  un destin tragique irrévocable (ne vous leurrez pas – L.4), un  destin uniformisé (comme les autres –L. 4). L’Ombre passe par la métaphore du  navire  (L.5)=> tous  sont dans la même galère (impuissance face au tragique).

 

  1. Un final sous forme de discours

–        Valeur discursive =  donner une interprétation  à l’apologue, une clé de lecture pour cet univers absurde ; tirer une sorte de « morale ».

–        L’Enquêteur, en position de faiblesse, ne peut qu’écouter, totalement déstabilisé :  Je ne sais pas… Je ne sais plus… où sommes-nous ? (L.14) Il ne maîtrise plus son destin depuis qu’il est entré dans l’Entreprise.

–        L’Ombre prend la posture de celui qui sait : il détient la connaissance sur le destin de l’Enquêteur : vous ne jouissez que d’un bref sursis. Vous finirez comme les autres. (L.4/5)

Il assène  des propos catégoriques et définitifs (Personne n’a encore eu votre chance – L.3) ;  des vérités générales {Chacun son destin. (L.12) On a que ce qu’on mérite. Il n’y a pas d’innocents.  (L.13)} Une instance moralisatrice.

–        Un discours particulièrement vivant, aux effets rhétoriques calculés :  injonctions (ne vous leurrez pas –L.3)  et  questions rhétoriques (Pourquoi vouloir s’en prendre à moi ?– L. 11)

 

  1. Identité ambiguë de l’orateur

–        L’Ombre → la majuscule lui donne une valeur allégorique ;  est-ce un spectre, connoté au monde des Enfers ?

–        L’Enquêteur croit reconnaître en lui le portrait du Fondateur de l’Entreprise.  De fait, il semble être la mémoire de l’Entreprise :  (vous êtes) le premier à sortir d’une de ces boîtes. Personne n’a encore eu votre chance. (L.3) –  J’ai tenté souvent de le faire… (L.8) – Ces créatures ne durent jamais très longtemps (L.10) Un témoin du devenir de l’Entreprise :  Je n’ai vu arriver que des containers pour l’instant (L.33)

–        Le temps :  l’homme avec un balai peut évoquer le tableau de Goya : « Les vieilles ». Une allégorie du Temps, qui  vient tout balayer, tout emporter ? L’Ombre ponctua ses mots en agitant son balai (L. 30) 

–        Malgré tout, il  semble sans pouvoir  : Pourquoi vouloir s’en prendre à moi ? Drôle d’idée ! Qu’y puis-je ? (L.12) Que voulez-vous que je fasse, je ne peux pas tout nettoyer à leur place, je n’ai que cela ! (L.28/29) , à savoir son balai. L’Ombre semble elle-même prise dans un système qui ne lui laisse aucun libre arbitre, ni loisir de s’émouvoir.  Tous dedans d’une façon ou d’une autre (L.5) , lui aussi ! Est-il un simple balayeur, employé pour nettoyer, faire table rase, détruire, liquider  ?… Vous croyez que c’est facile de balayer ici !  (L.13)

–        Un homme cynique pour qui les valeurs humaines sont périmées : Fort heureusement, (…) ces pauvres créatures ne durent jamais longtemps (L.10) Sa seule empathie consiste à souhaiter une mort rapide ! L’assistance à personne en danger est une valeur révolue : J’ai tenté souvent de le faire, par humanité sans doute ou pour rompre mon ennui. J’y ai renoncé après m’être cassé trois ongles, et foulé le poignet. (L.8/9) Il semble avoir perdu toute notion humaine, notamment quand il demande à l’Enquêteur :   vous êtes-vous reproduit ? (L.40), comme un animal.

–        Un homme qui trompe son ennui : pour rompre mon ennui. (L.8)  Un divertissement pascalien : vacuité de l’existence comblée par ce poste  de balayeur.

–        Son rire démoniaque  (L.15) le connote au Malin. ( Est-il le diable ?)

 

  1. II.             L’entreprise infernale
    1. 1.     Monde indéchiffrable

–        L’Entreprise  → la  majuscule la « divinise », la rend emblématique d’un modèle général. L’Enquêter  – Les Transporteurs : les majuscules montrent que ce monde fonctionne avec des fonctions  plus que  des individus ; un monde froid, sans humanité.

–        Un monde incompréhensible : On se demande qui la dirige car je ne parviens pas à comprendre sa stratégie. (L.33) Insaisissable. Evolution des entreprises, loin de l’image ancestrale du patriarche fondateur, identifié ; ère des sociétés anonymes, des actionnaires, qui ne permettent plus de cibler le pouvoir.

 

  1. Un monde en mutation constante

–        Un monde en plein expansion économique : l’Entreprise se développe si vite.(L.34)

–        Une allusion aux délocalisations, restructurations constantes, d’un monde à géométrie variable, dont le maître mot est la rentabilité : Elle a besoin de nouveaux locaux, mais elle s’en débarrasse tout aussi vite car elle est dans le même temps en perpétuelle restructuration (L.35). Au détriment de l’humain : il y a parfois des erreurs regrettables (euphémisme diplomatique) dont certains sont victimes (L.36). Flexibilité et adaptation sont requises.

–        L’image des préfabriqués, construits à la hâte en fonction des besoins (L.33) souligne l’aspect mouvant et provisoire de cette Entreprise.

–        Zone de transit de l’Entreprise (L. 19) et containers (L.6)  poussent à l’extrême, dans cet apologue, l’idée du provisoire : la réalité de l’Entreprise est devenue un monde  instable et précaire, qui s’implante et se retire, occasionnant des dommages collatéraux.

 

  1. La pollution

–        Construire / détruire de nouveaux locaux  (elle s’en débarrasse tout aussi vite – L.35)  => une impression de gâchis énorme.

–        Paradoxe :  le bayeur évolue dans un monde qu’il ne peut nettoyer : l’Entreprise s’est transformée au fil du temps en une grande décharge à ciel ouvert (L.20). La pollution règne. Son coup de balai est moins un geste d’assainissement que d’éviction.

–        La croissance économique crée la pollution : la fabrication excessive d’objets, leur obsolescence,  par exemple celle des téléphones cellulaires (L.23), qui pousse au renouvellement constant, l’absence de recyclage des déchets (hors d’usage – L.21) crée une invasion de pourritures (L.21)

Les entreprises  transforment certaines zones du monde en poubelles :  On entasse ici ce qu’on ne peut mettre ailleurs, ce qui est hors d’usage, des choses, des objets, des pourritures, dont on ne sait que faire. (L.20/21 ) et le pronom indéfini « on » signale l’anonymat des pollueurs, qui n’endossent pas leur responsabilité, ne paient pas leur tribut. La nature est entachée :  collines – vallées , lacs, failles géologiques , fleuves, forêts…

–        La pollution exponentielle est suggérée par la très longue phrase énumérative (L.21/28) : pléthore d’hyperboles  pour signaler l’ampleur du désastre : collines entières  couvertes – vallées encombrées – lacs chargés – failles géologiques rebouchées à grands pelletées – sans compter des fleuves charriant des millions d’hectolitres d’huile de vidange – des milliers de tonnes de seringues usagées. L’inventaire  à la Prévert d’objets hétéroclites  donne une dimension absurde.

 

  1. III.           La perte d’humanité
    1. Violence exercée sur les employés

–        L’usine est le lieu d’une agonie violente des personnes employées   : Au tout début, elles hurlent comme des cochons qu’on égorgerait. (L.10/11) Violence de l’animalisation (l’Ombre n’a pas d’empathie pour ces êtres, qu’il ne reconnait pas comme des congénères.)

–        Les containers sont les cercueils : C’est fini pour lui. Plus de réaction. Il a dû rendre l’âme. (L.7) Chacun meurt,  isolé.

–        Les cadences imposées entraînent des accidents de travail :  Les cadences imposées sont telles que les Transporteurs chargent les containers alors même que des hommes y travaillent encore (L.34/35)  On ne peut arrêter la chaîne de la production pour si peu !  Le temps, c’est de l’argent. 

Etre performant ne donne pas le droit à la distraction  : Pas de chance pour eux, mais ils n’avaient qu’à sortir à temps. La distraction ou le zèle se paient cher aujourd’hui. (L .38)  Le comble, c’est que  le zèle des ouvriers n’est même pas reconnu ! Si un ouvrier se surinvestit, c’est à ses risques et périls !

–        Les heures supplémentaires : (elles) creusent les tombes de ceux qui les accumulent. (L.38/39) La course à l’argent est cause de la fatigue, de la négligence et donc de l’accident de travail. L’ouvrier est donc responsable de son sort tragique.

–        L’ouvrier est ainsi présenté comme un présumé coupable, responsable de sa propre perte  :  On a ce qu’on mérite. Il n’y a pas d’innocents. (L.13) Chacun son destin. (L.12). Le Capitalisme  tend à présenter comme naturel le cours des choses. C’est de lui-même que l’employé s’éjecte du monde de l’Entreprise, s’il est un maillon faible.

 

  1. Une humanité  jetable

–        On peut voir aussi  de cette éjection, par containers,  dans cette zone de transit de l’Entreprise, une parabole des licenciements. (règne de la précarité) « Du balai ! »  C’est peut-être la fonction du balayeur…

–        S’ils ne sortent pas à temps des containers, les hommes viennent grossir les rangs des pourritures, dont on ne sait que faire  (L.21), au même titre que les objets déversés. D’ailleurs les containers, en guise de cercueils, suggèrent la chosification de l’homme.

–        Les milliers de containers côte à côte, isolés, sans solidarité, sont habités par des gens qui, comme l’Enquêteur, pensaient sûrement attendre dans la salle d’attente de la Direction, un entretien ( ?) Ils tombent en fait dans une chausse-trappe : leur licenciement.

 

  1. Un monde futuriste  terrifiant

–        L’entreprise semble avoir  absorbé la ville ; elle est devenue un monde en soi : dans notre société, le diktat de l’économie  impose ses lois (notamment au  politique, à  la vie de la Cité).

–        Une nouvelle ère  semble commencer : Le premier homme (L.1)  un nouveau terrain – un paysage en devenir (L.31)

–        Perte des repères anciens : l’Enfer est une invention humaine remontant à un temps irrationnel, où les gens étaient naïfs : explications simplistes (L.17) Les vieilles ficelles sont usées et les hommes ne sont plus des enfants auxquels on peut raconter des sornettes (L.18) L’ère des croyances est révolue : Le monde est trop complexe. (L.17), voire trop rationnel (le monde du travail est rationalisé, il suit une logique implacable, sans place pour la magie ni la spiritualité).

–        L’époque des utopies est révolue (L.39) → il n’y a plus d’idéal ; à l’idéal, l’Ombre oppose quelques rêves (L.39), procurés par la nostalgie, en se retournant vers le passé : chez des antiquaires, dans des collections ou des brocantes de village (L.40) Claudel ironise sûrement sur l’esprit « vintage » actuel que l’homme entretient tout en laissant le monde filer vers un avenir destructeur.

–        L’avènement d’un monde futuriste : on commence seulement (L.33) –+ les nombreux futurs )

–        Mais il est apocalyptique :

ü  Une nouvelle nature, faite artificiellement puisque les forêts sont en fait constituées par des faisceaux de ferrailles assemblées et rouillées (L.26) et les seringues forment des ramures  défoliées (L.28)

ü  Un paysage-décharge qui trouvera de nouveaux artistes pour le célébrer  (L.31) ; d’autres concepts esthétiques : d’ailleurs  des structures métalliques ornées de béton armé (L.26/27) suggèrent les changements de critères en matière de décoration.

ü  Un paysage qu’on se réappropriera pour vivre : décharge comme lieu de promenade et de pique-nique  (L.32)

ü  Une humanité qui court à sa perte :  Y aura-t-il encore des enfants ? (L.41)

–        Une humanité qui n’a plus de finalité (dans quel but ? –L.41) ; l’humanisme est périmé : L’homme est de nos jours une quantité négligeable, une espèce secondaire douée pour le désastre. Il n’est plus désormais qu’un risque à courir.  (L.41/42)

 

Conclusion

CCL. Un texte en prise directe sur notre réalité contemporaine : sous ses dehors d’apologue, un portrait réaliste du monde de l’entreprise, avec son lot de délocalisation, de pollution, de précarisation. Un monde absurde : un enquêteur  par définition doit résoudre un problème mais dans ce monde absurde, il n’y a plus rien à  résoudre. L’impuissance de l’Enquêteur, à mener son enquête sur les suicides, traduit notre propre impuissance face au monde que nous avons construit, pour mieux nous détruire. Dans cet univers, l’humanisme est  périmé et le seul acte de révolte (individuel) possible reste le suicide (sujet de l’enquête)

 

 

Seule révolte possible, un sabotage. Le suicide ?

où  va le travail humain

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Interpréter un tableau

« La guerre et la paix  » Picasso :

Dans ce tableau, Picasso dénonce la guerre et ses conséquences.

Production collective 

La guerre  entraine  la destruction  de la civilisation, symbolisée notamment par la présence d’insectes destructeurs  et des  livres piétinés par un cheval.  Tout cela montre les ravages de la folie des hommes  qui finit par gommer de la terre toute trace d’humanité.

L’impression de désordre fait ressentir l’effet de chaos entraîné par la guerre. La frontière entre l’humain et le monstrueux n’est plus distincte. le mal est omniprésent et l’homme qui est affublé de cornes sataniques porte des crânes dans sa hotte ….la mort a pris le pas sur la vie et la désespérance  prédomine.

 

 

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Améliorer une prestation argumentative : de la lecture à l’écriture

Après avoir travaillé l’obervation du tableau « la guerre et la paix  » de Pablo Picasso

On propose aux élèves d’écrire un commentaire rendant compte de leur réception

Voici les étapes de cette mise en activité de la classe

☞ on reprend les arguments dégagés au début de la séance par les élèves, on leur propose de les regrouper entre eux et de les classer :

Voici le résultat de ce classement  des premières réactions des élèves:

 

« mal dessiné « a) Je n’aime pas trop car on a l’impression que c’est mal dessiné, les formes des personnages sont bizarres. Ca représente pas les hommes en vrai.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des formesj) On ne peut pas dire que ce soit bien dessiné, les corps ne sont pas bien faits; on dirait que les personnages ont été dessinés par un enfant.k) A gauche, il y a un homme qui porte un bouclier; il représente la paix mais il est mal dessiné, ses membres sont disproportionnés. Il a une petite tête par rapport à ses jambes.les dessins qui ne représentent pas les choses de façon réelle.
« j’aime pas »b) Ce tableau ne me plaît pas du tout à cause des ombres derrière; on dirait qu’elles sont agressives. Il y a aussi l’homme avec des cornes qui porte une épée avec du sang. Et les mains sur le sol. Ce ne sont pas de belles images.h) Je n’aime pas les squelettes dans le sac; mais en même temps c’est normal parce que ça parle de la guerre. C’est pour ça qu’il y a aussi des guerriers, du sang.i) C’est un tableau qui fait presque peur
« C’est désordre « c) Il y a trop de choses dans ce tableau, c’est chargé.f) Ca fait un peu désordre.
« c’est sombre »d) C’est pas très agréable à regarder parce que les couleurs sont foncées, il y a du rouge, du marron, du bleu. Ce n’est pas harmonieux.g) C’est pas gai, c’est sombre.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des couleurs.Mais je n’aime pas les couleurs trop sombres
« je ne comprends pas « e) Je n’aime pas ce tableauJe ne comprends pas pourquoi il y a des insectes qui sortent d’un sac et des chevaux qui brûlent un livre.

 

Etape 4 :

On procède à un travail d’interprétation qui permet d’amener les élèves à comprendre le pouvoir de l’art pour dénoncer les horreurs de la guerre

 

Arguments dépréciatifs des élèves

( à partir des remarques initiales des élèves )

Interprétation

a) Je n’aime pas trop car on a l’impression que c’est mal dessiné, les formes des personnages sont bizarres. Ca représente pas les hommes en vrai.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des formes.j) On ne peut pas dire que ce soit bien dessiné, les corps ne sont pas bien faits; on dirait que les personnages ont été dessinés par un enfant.k) A gauche, il y a un homme qui porte un bouclier; il représente la paix mais il est mal dessiné, ses membres sont mal proportionnés. Il a une petite tête par rapport à ses jambes.les dessins qui ne représentent pas les choses de façon réelle. Les formes « mal dessinées » permettent de mieux représenter l’agressivité. Elles sont géométriques, pointues pour évoquer les armes. Elles « agressent » l’oeil en quelque sorte. Ces dessins dérangent parce que la guerre dérange. Ils créent un malaise.
b) Ce tableau ne me plaît pas du tout à cause des ombres derrière; on dirait qu’elles sont agressives. Il y a aussi l’homme avec des cornes qui porte une épée avec du sang. Et les mains sur le sol. Ce ne sont pas de belles images.h) Je n’aime pas les squelettes dans le sac; mais en même temps c’est normal parce que ça parle de la guerre. C’est pour ça qu’il y a aussi des guerriers, du sang. Chaque élément dessiné a un lien direct avec la guerre, ce qui explique pourquoi ce ne sont pas de belles images : L’homme avec des cornes est le génie de la guerre à tête de faune qui porte des crânes dans sa hotte, brandit un glaive ensanglanté et déverse sur la terre rouge une coupe grouillante d’insectes nuisibles. Le char de la guerre qui piétine le livre montre les ravages des combats sur la civilisation.
c) Il y a trop de choses dans ce tableau, c’est chargé.f) Ca fait un peu désordre. Picasso a voulu créer une impression de désordre de façon à faire ressentir l’effet de chaos lié à la guerre. C’est comme si on était dépassé par ce qui se passe.
d) C’est pas très agréable à regarder parce que les couleurs sont foncées, il y a du rouge, du marron, du bleu. Ce n’est pas harmonieux.g) C’est pas gai, c’est sombre.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des couleurs.Mais je n’aime pas les couleurs trop sombres Les couleurs sont sombres, les lignes de séparation ne sont pas nettes, comme du papier déchiré : elles symbolisent une déchirure entre les hommes.
e) Je n’aime pas ce tableau. Je comprends pas pourquoi il y a des insectes qui sortent d’un sac et des chevaux qui brûlent un livre. Beaucoup d’éléments représentent la guerre de façon symbolique, c’est pourquoi on ne les comprend pas forcément tout de suite : les insectes représentent l’ennemi nuisible, tout comme le livre brûlé symbolise la civilisation détruite par la guerre …

 

Etape 4 : synthèse collective élaborée à partir des pistes d’interprétation : 

Dans ce tableau, Picasso dénonce la guerre et ses conséquences.

La guerre  entraine  la destruction  de la civilisation, symbolisée notamment par la présence d’insectes destructeurs  et des  piétinés par un cheval.  Tout cela montre les ravages de la folie des hommes  qui finit par gommer de la terre toute trace d’humanité.

L’impression de désordre fait ressentir l’effet de chaos entraîné par la guerre. La frontière entre l’humain et le monstrueux n’est plus distincte. le mal est omniprésent et l’homme qui est affublé de cornes sataniques porte des crânes dans sa hotte ….la mort a pris le pas sur la vie et la désespérance  prédomine.

 

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Etude de La guerre et La paix Picasso

Titre : « La Guerre et la Paix »

 

Nature : Deux peintures qui forment une fresque.

 

Auteur : Pablo Picasso (20 ème siècle )

 

Date de création : 1952

 

Lieu de conservation et/ ou exposition : Voûte de la chapelle du château de Vallauris (près de Cannes ); lieu devenu un musée national en 1959.

 

Caractéristiques ( matériaux, supports techniques … ) : Fresque murale arrondie de 10 x 4,7 mètres.

 

Lewebpedagogique.com

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Quels procédés pour représenter la guerre ?

 

Description des éléments

Génie de la guerre à tête de faune porte des crânes dans sa hotte, brandit un glaive ensanglanté et déverse sur la terre rouge une coupe grouillante d’insectes nuisibles qui représentent l’ennemi.Char de guerre dont les chevaux piétinent un livre en flammes : destruction de la civilisation.Ombres armées agressives.Le défenseur de la paix tient, avec sa lance, les balances de la justice et un bouclier blanc sur lequel apparaît la colombe et où se devine en transparence le visage de la paix. Il protège les blés et arrête la progression du char. 

Ce personnage sert de transition aux deux tableaux Guerre et Paix.

 

Impression de désordre à cause du nombre et pour faire ressentir l’effet de chaos lié à la guerre. C’est comme si on était dépassé par ce qui se passe.

 

Couleurs

Couleurs sombres. Lignes de séparation des couleurs pas nettes, contours comme du papier déchiré.  Déchirure entre les hommes.

Formes

Formes anguleuses et  pointues pour évoquer les armes. Elles « agressent » l’oeil en quelque sorte. Ces dessins dérangent parce que la guerre dérange. Ils créent un malaise.

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Entrer dans l’anthologie par l’étude de La Guerre et La Paix de Pablo Picasso

               Il s’agit de faire entrer les élèves dans une réflexion sur les valeurs humanistes de manière inductive par l’image pour ensuite prolonger cette activité en exploitant  des textes dont l’accès  pourrait paraitre diificile sans ce détour.  Cette activité pourra faire  prendre conscience qu’il n’y a pas qu’un langage pour dénoncer, s’indigner et s’émouvoir des réalités qui nous entourent. Nous ne négligerons pas les compétences croisées qui découlent de la mobilisation de l’attention des élèves :

Description de la démarche :

Support « La Guerre et La Paix » de Pablo Picasso »

Etape 1 : Le tableau est projeté et soumis à l’appréciation des élèves

Consigne : Quel effet ce tableau produit-il sur vous ? Justifiez votre réponse à l’aide de quelques arguments. ?

 Les élèves ont d’emblée une réaction négative. Voici quelques-unes de leurs réponses les plus représentatives :

« Je n’aime pas trop car on a l’impression que c’est mal dessiné, les formes des personnages sont bizarres. Ca représente pas les hommes en vrai ».
« Ce tableau ne me plaît pas du tout à cause des ombres derrière; on dirait qu’elles sont agressives. Il y a aussi l’homme avec des cornes qui porte une épée avec du sang. Et les mains sur le sol. Ce ne sont pas de belles images ».
Il y a trop de choses dans ce tableau, c’est chargé.
C’est pas très agréable à regarder parce que les couleurs sont foncées, il y a du rouge, du marron, du bleu. Ce n’est pas harmonieux.
Je n’aime pas ce tableau. Je comprends pas pourquoi il y a des insectes qui sortent d’un sac et des chevaux qui brûlent un livre.
Ca fait un peu désordre.
C’est pas gai, c’est sombre.
Je n’aime pas les squelettes dans le sac; mais en même temps c’est normal parce que ça parle de la guerre. C’est pour ça qu’il y a aussi des guerriers, du sang.
C’est un tableau qui fait presque peur à cause des formes et des couleurs.
On ne peut pas dire que ce soit bien dessiné, les corps ne sont pas bien faits; on dirait que les personnages ont été dessinés par un enfant.
A gauche, il y a un homme qui porte un bouclier; il représente la paix mais il est mal dessiné, ses membres sont disproportionnés. Il a une petite tête par rapport à ses jambes.
Je le trouve assez bien parce que la guerre est bien représentée avec le char, le soldat et les guerriers derrière. Mais je n’aime pas les couleurs trop sombres et les dessins qui ne représentent pas les choses de façon réelle.

 

                                                                                 

Etape 2 :

On laisse de côté pour le moment ces appréciations et on procède en classe à l’étude  du tableau.

 

Etape 3 :

Pour évaluer ce que les élèves ont compris de l’étude du tableau :

☞ on reprend les arguments dégagés au début de la séance par les élèves, on leur propose de les regrouper entre eux et de les classer :

Voici le résultat de ce classement :

 

« mal dessiné « a) Je n’aime pas trop car on a l’impression que c’est mal dessiné, les formes des personnages sont bizarres. Ca représente pas les hommes en vrai.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des formesj) On ne peut pas dire que ce soit bien dessiné, les corps ne sont pas bien faits; on dirait que les personnages ont été dessinés par un enfant.k) A gauche, il y a un homme qui porte un bouclier; il représente la paix mais il est mal dessiné, ses membres sont disproportionnés. Il a une petite tête par rapport à ses jambes.les dessins qui ne représentent pas les choses de façon réelle.
« j’aime pas »b) Ce tableau ne me plaît pas du tout à cause des ombres derrière; on dirait qu’elles sont agressives. Il y a aussi l’homme avec des cornes qui porte une épée avec du sang. Et les mains sur le sol. Ce ne sont pas de belles images.h) Je n’aime pas les squelettes dans le sac; mais en même temps c’est normal parce que ça parle de la guerre. C’est pour ça qu’il y a aussi des guerriers, du sang.i) C’est un tableau qui fait presque peur
« C’est désordre « c) Il y a trop de choses dans ce tableau, c’est chargé.f) Ca fait un peu désordre.
« c’est sombre »d) C’est pas très agréable à regarder parce que les couleurs sont foncées, il y a du rouge, du marron, du bleu. Ce n’est pas harmonieux.g) C’est pas gai, c’est sombre.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des couleurs.Mais je n’aime pas les couleurs trop sombres
« je ne comprends pas « e) Je n’aime pas ce tableau. Je ne comprends pas pourquoi il y a des insectes qui sortent d’un sac et des chevaux qui brûlent un livre.

 

Etape 4 :

On procède à un travail d’interprétation qui permet d’amener les élèves à comprendre le pouvoir de l’art pour dénoncer les horreurs de la guerre

 

Arguments dépréciatifs des élèves

( à partir des remarques initiales des élèves )

Interprétation

a) Je n’aime pas trop car on a l’impression que c’est mal dessiné, les formes des personnages sont bizarres. Ca représente pas les hommes en vrai.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des formes.j) On ne peut pas dire que ce soit bien dessiné, les corps ne sont pas bien faits; on dirait que les personnages ont été dessinés par un enfant.k) A gauche, il y a un homme qui porte un bouclier; il représente la paix mais il est mal dessiné, ses membres sont mal proportionnés. Il a une petite tête par rapport à ses jambes.les dessins qui ne représentent pas les choses de façon réelle. Les formes « mal dessinées » permettent de mieux représenter l’agressivité. Elles sont géométriques, pointues pour évoquer les armes. Elles « agressent » l’oeil en quelque sorte. Ces dessins dérangent parce que la guerre dérange. Ils créent un malaise.
b) Ce tableau ne me plaît pas du tout à cause des ombres derrière; on dirait qu’elles sont agressives. Il y a aussi l’homme avec des cornes qui porte une épée avec du sang. Et les mains sur le sol. Ce ne sont pas de belles images.h) Je n’aime pas les squelettes dans le sac; mais en même temps c’est normal parce que ça parle de la guerre. C’est pour ça qu’il y a aussi des guerriers, du sang. Chaque élément dessiné a un lien direct avec la guerre, ce qui explique pourquoi ce ne sont pas de belles images : L’homme avec des cornes est le génie de la guerre à tête de faune qui porte des crânes dans sa hotte, brandit un glaive ensanglanté et déverse sur la terre rouge une coupe grouillante d’insectes nuisibles. Le char de la guerre qui piétine le livre montre les ravages des combats sur la civilisation.
c) Il y a trop de choses dans ce tableau, c’est chargé.f) Ca fait un peu désordre. Picasso a voulu créer une impression de désordre de façon à faire ressentir l’effet de chaos lié à la guerre. C’est comme si on était dépassé par ce qui se passe.
d) C’est pas très agréable à regarder parce que les couleurs sont foncées, il y a du rouge, du marron, du bleu. Ce n’est pas harmonieux.g) C’est pas gai, c’est sombre.i) C’est un tableau qui fait presque peur à cause des couleurs.Mais je n’aime pas les couleurs trop sombres Les couleurs sont sombres, les lignes de séparation ne sont pas nettes, comme du papier déchiré : elles symbolisent une déchirure entre les hommes.
e) Je n’aime pas ce tableau. Je comprends pas pourquoi il y a des insectes qui sortent d’un sac et des chevaux qui brûlent un livre. Beaucoup d’éléments représentent la guerre de façon symbolique, c’est pourquoi on ne les comprend pas forcément tout de suite : les insectes représentent l’ennemi nuisible, tout comme le livre brûlé symbolise la civilisation détruite par la guerre …

 

Etape 4 : synthèse collective élaborée à partir des pistes d’interprétation : 

Dans ce tableau, Picasso dénonce la guerre et ses conséquences.

La guerre  entraine  la destruction  de la civilisation, symbolisée notamment par la présence d’insectes destructeurs  et des  piétinés par un cheval.  Tout cela montre les ravages de la folie des hommes  qui finit par gommer de la terre toute trace d’humanité.

L’impression de désordre fait ressentir l’effet de chaos entraîné par la guerre. La frontière entre l’humain et le monstrueux n’est plus distincte. le mal est omniprésent et l’homme qui est affublé de cornes sataniques porte des crânes dans sa hotte ….la mort a pris le pas sur la vie et la désespérance  prédomine.

Prolongements :

1) On peut dorénavant puiser dans les textes de l’anthologie et orienter à loisir la réflexion  selon les thèmes choisis par l’étude envisagée : la guerre, la violence,  la destruction de l’humain, les frontières entre humanité et inhumanité …etc 

2) on peut également faire le même travail )à partir de de plusieurs tableaux ou illustration présentes dans l’anthologie  comme l’acrylique et crayon gras sur toile page 196 Jean – Michel Basquet Basquiat  « Sans titre » 

On pourra également enviager en contretpoint étudier La paix  

 

Compétences travaillées dans La maîtrise de langue française:

 Lire: Faire preuve de sensibilité , de curiosité *Etre capable de porter un regard critique sur un fait, un document, une oeuvre.

 Dire * Formuler clairement un propos simple.; * Participer à un débat, à un échange verbal.

Ecrire:  * Rédiger un texte bref, cohérent et ponctué, en réponse à une question ou à partir de consignes données. * Utiliser ses capacités de raisonnement, ses connaissances sur la langue, savoir faire appel à des outils variés pour améliorer son texte.

Compétences travillées dans le cadre de  La culture humaniste: *Connaître les oeuvres littéraires, scéniques, cinématographiques du patrimoine.* Savoir lire des textes et des images.* Connaître et pratiquer diverses formes d’expression à visée littéraire.

 

 

 

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Voltaire: Candide

 

 

Candide, chapitre 3

 Rien n’était si beau, si leste[1], si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres[2], les hautbois[3], les tambours, les canons formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six cent mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie[4] ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.

Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum[5], chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres ;  c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.

Voltaire, Candide, chapitre III, 1759.

 

[1] Leste = bien équipé, léger, agile

[2] Fifre : petites flûtes en bois

[3] Hautbois : instrument à vent

[4] Le mousquet = ancêtre du fusil ; mousqueterie = infanterie

[5] Te Deum = messe solennelle pour remercier Dieu

 ←l’humanité en débat 

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Diderot: Supplément au voyage de Bougainville

 

 

 

« Pleurez, malheureux Tahitiens ! Pleurez ; mais que ce soit de l’arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l’autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous [1]assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu’eux. Mais je me console; je touche à la fin de ma [2]carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. Ô Tahitiens ! Mes amis ! Vous auriez un moyen d’échapper à un funeste avenir ; mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu’ils s’éloignent et qu’ils vivent. »

Puis, s’adressant à Bougainville, il ajouta : « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive; nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? [3]Orou ! Toi qui [4]entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! Et pourquoi ? Parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu’est-ce que cela fait ? Lorsqu’on t’a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t’es récrié, tu t’es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton coeur le vol de toute une contrée ! Tu n’es pas esclave ; tu souffrirais la mort plutôt que de l’être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t’emparer comme de la [5]brute, le Tahitien, est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jeté sur ta personne ? Avons nous pillé ton vaisseau ? T’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? T’avons-nous  associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières.

Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris, parce que nous n’avons pas su nous faire des besoins superflus ? Lorsque nous avons faim, nous avons de quoi manger ; lorsque nous avons froid, nous avons de quoi nous vêtir. Tu es entré dans nos cabanes, qu’y manque-t-il, à ton avis ? Poursuis jusqu’où tu voudras ce que tu appelles les commodités de la vie ; mais permets à des êtres sensés de s’arrêter, lorsqu’ils n’auraient à obtenir de la continuité de leurs pénibles efforts que des biens imaginaires. Si tu nous persuades de franchir l’étroite limite du besoin, quand finirons-nous de travailler ? Quand jouirons-nous? Nous avons rendu la somme de nos fatigues annuelles et journalières la moindre qu’il était possible, parce que rien ne nous paraît préférable au repos. Va dans ta contrée t’agiter, te tourmenter tant que tu voudras ; laisse-nous reposer : ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques. Regarde ces hommes ; vois comme ils sont droits, sains et robustes. Regarde ces femmes ; vois comme elles sont droites, saines, fraîches et belles. Prends cet arc, c’est le mien ; appelle à ton aide un, deux, trois, quatre de tes camarades, et tâchez de le tendre. Je le tends moi seul. Je laboure la terre ; je grimpe la montagne ; je perce la forêt ; je parcours une lieue de la plaine en moins d’une heure. Tes jeunes compagnons ont eu peine à me suivre ; et j’ai quatre-vingt-dix ans passés. Malheur à cette île ! Malheur aux Tahitiens présents, et à tous les Tahitiens à venir, du jour où tu nous as visités ! »

Denis Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, 1772. (chapitre 2)

 [1] Assujettir : rendre esclave

[2] Carrière = existence

[3] Orou : un des tahitiens qui comprend la langue française et sert d’interprète.

[4] Entendre = comprendre, parler

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Pratiquer le « quoi de neuf  » en classe

Favoriser la prise de parole en classe : vers l’argumentation 

Pratiquer le « quoi de neuf « 

 

Qu’est ce que le « quoi de neuf  »

Le quoi de neuf:

Le quoi de neuf est un moment d’expression libre où tout élève qui le désire fait partager à la classe une expérience vécue, une passion, une nouvelle de l’actualité, une question qu’il se pose…
Le quoi de neuf est une activité hebdomadaire d’une durée de quinze minutes , qui se fait à un moment fixe .
Les élèves qui désirent présenter une expression au quoi de neuf s’inscrivent en début de séance.
Les volontaires qui n’ont pas pu prendre la parole dans les quinze minutes sont prioritaires la semaine suivante.
Le quoi de neuf est mené par un élève, président de séance.

Règles du « quoi de neuf »: 

Personne n’a le droit d’intervenir tant qu’un élève présente son intervention.
– Chacun peut ensuite réagir à ce qui a été dit en demandant la parole.
– Le président de séance distribue la parole.
– Lorsque les interventions sur le sujet présenté sont terminées, le président donne la parole au deuxième élève inscrit en début de séance et ainsi de suite.
– Les élèves qui prennent la parole sans la demander reçoivent une « gêne ». Deux gênes obtenues au cours d’un même quoi de neuf entraînent l’exclusion de ce quoi de neuf et du suivant.
-On ne se moque jamais de celui qui parle ni dans le cours ni en dehors du cours.
-En accord avec le règlement du collège, on s’interdit toute grossièreté et toute vulgarité.
-Ce qui est dit au « quoi de neuf » ne doit pas être répété à l’extérieur de la classe.

Exemple de classe  :

Cet exemple inspiré de l’actualité permet au professeur  de faire rentrer les élèves dans une réflexion sur les valeurs humanistes

 Le cocktail molotov

Ecoute de l’enregistrement :

Retranscription de la conversation :

Nadia : Euh…pt…j’ai vu euh…aux informations qu’une fille dans un collège…qu’une fille dans un collège, elle avait mis quet’chose dans une bouteille, un truc ex… explosif et que…elle l’a lancé dans l’coin de…de la grille du collège et puis qu’il y a eu 16 élèves…blessés. 

Amine : En fait, madame, c’est pas…c’est un truc explosif, c’est d’l’essence pis ils ont allumé l’truc, ils ont allumé un mouchoir n’dans et puis ça explose…ça…

 

Vanessa : Ben, comment le verre y peut exploser?

 

Mathieu  : C’est parc’que c’est un cocktail Molotov.

 

Toni : Ben…euh…ça s’est passé où?

 

Nadia : Je sais pas euh…Demande euh…à Mathieu!

 

Vanessa : Ben, c’est dans un collège!

 

Sami : Ben, en fait, elle a fait ça euh…pour venger son frère parc’ qu’il était renvoyé.

 

Nadia : Euh…Tout à l’heure, Mathieu a dit euh…monotone… molotov…j’sais pas, ça veut dire quoi?

 

Vincent : Ben, un cocktail Molotov c’est…on prend une bouteille, on met d’l’essence dedans, après on prend, on prend un papier qui peut s’enflammer, on l’met dans, dans l’essence et après on l’allume et après on l’lance et voilà! Ca brûle!

 

Vanessa : La fille, elle a été euh…blessée?

 

Nadia : Apparemment non parc’que ils disent qu’il y avait 16 élèves blessés mais…ils ont pas dit que…la fille elle-même a été blessée.

  Exploitation : on part du « quoi de neuf 

– pour appréhendrer les thématiques de l’anthologie et selon le contenu du « quoi de neuf »pratiqué en classe.

– pour travailler la langue et améliorer l’expression orale  : (observation des marques d’oralité  par exemple) :

Exemples de relevés effectués sur la prestation  de Nadia et Vanessa 

  • hésitations, euh…ben…, reprises et répétitions (traces de l’élaboration du discours),
  • registre de langue familier : syllabes avalées, mots imprécis, phrases non terminées,
  • reprise du sujet par un pronom,
  • absence de négation,
  • ruptures de construction,
  • interrogations avec mot interrogatif à la fin.
  • le non verbal (l’imprécision de la communication verbale est, dans le dialogue, soutenue par la gestuelle et les mimiques 

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Ecrit d’invention : « écrire à la manière de David Rousset »

Ecrit d’invention 

A la manière de David Rousset dans « L’univers concentrationnaire »

Vous rédigerez à la première personne un texte en deux parties (chacune une page environ) dans lesquelles vous décrirez d’abord le fonctionnement de l’univers concentrationnaire et la « néantisation » de l’humain. Puis, dans la seconde partie, vous tâcherez, de mettre en avant l’irréductible triomphe de l’homme face à la barbarie des camps. Vous prendrez soin de réinvestir dans vos choix d’écriture le travail sur la langue mené sur le texte de Rousset.

Première partie Une nouvelle fois, le jour se lève. Quel jour ? Ca n’est pas dimanche, c’est tout, il est six heures du matin, je vis encore. Peut-être. On ne peut être certain de rien dans le camp. Même pas de son existence. Celui à côté de moi me regarde. Pas un sourire. Non juste de la peur. Il a peur en me voyant car il sait que bientôt il sera comme moi : un mort qui vit sans même le vouloir.

Chaque matin, dans ce froid, la même question se pose : pourquoi je vis ? Pourquoi ne suis je pas mort ? Car je n’en ai pas la force : je n’ai pas la force de mourir. Ils m’ont même retiré ça : le courage de mourir. Un numéro n’a pas de courage. Alors je réponds présent comme tout le monde  et je marche vers l’usine, je marche et je travaille et je travaille en ne pensant à rien. Surtout ne pas penser, penser à ne pas penser. Ceux qui pensent à avant, à ailleurs perdent leur instinct de survie. Ils rêvent et ils souffrent. Ils ne dorment pas et ils meurent.

 

 

 

Deuxième partie : 

Qu’ont-ils fait de moi ? Pas ce qu’ils ont voulu. Je ne suis pas cet animal qu’ils matraquent  à longueur de journée, je ne suis pas ce sous-homme qui rampe pour un morceau de pain, je ne suis pas ce demi-vivant qui baisse la tête pour ne pas croiser la tête des êtres supérieurs. Je suis resté un homme, je n’ai pas trahi l’espèce humaine et j’ai gardé ma confiance en l’humanité. J’ai confiance en cet homme que je ne connaissais pas et qui m’a prêté sa couverture une nuit où mes orteils devenaient bleus. Le camp ne m’a pas tué, il m’a fait découvrir le combat, pas la haine qui rend aveugle ou bien fou. Jamais je me suis senti aussi humain  que face à ces SS qui me croisaient sans me regarder comme pour me dire : « tu n’existes pas «  j’ai existé dans ce camp avec des milliers d’autres et j’ai vécu.

 

 

              Exploitation du texte de David Rousset    

  →« vers L’univers concentrationnaire

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Fiche Modèle

Pour aider à la publication veuillez respecter ce format de présentation

Les images qui sont jointes doivent être libres de droit et clairement légendées

                                                                              TITRE 

 

Nom du responsable de l’activité pédagogique

 

Niveau :

 

Objet d’étude, thème du programme :

 

Objectifs généraux du projet :

 

lecture

  

culture humaniste / histoire des arts

Types d’écrits travaillés

langue

 

oral

 

Utilisation des TICE :

 

Présentation synthétique de la séquence  (séances numérotées nature de la séance  des cription rapide des objectifs et/ou de la problématique). 

Ne présentez pas votre travail sous forme de tableaux à plusieurs colonnes. Vous pouvez ensuite proposer d’expliciter plus en détail une ou deux séances qui entreront alors dans les « démarches »

Bilan : compétences mobilisées au cours des différentes activités du projet

 

Fichiers  joints (les fichiers sont joints un par un sans hyperlien) : textes exploités (en dehors de ceux de l’anthologie (dont vous préciserez la page, séances de démarches, travaux d’élèves  ….)

Consultez au besoin les séquences du site pour vous inspirer de leur présentation.

MERCI

 

 

 

 

 

 

 

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Collège : Préambule à la lecture

Fonder une culture humaniste

Au collège, l’élève doit acquérir une culture que l’environnement social et médiatique quotidien ne suffit pas toujours à construire. L’enseignement du français donne à chacun les éléments maîtrisés d’une culture nécessaire à la compréhension des œuvres littéraires, cinématographiques, musicales et plastiques. Les lectures conduites en classe permettent d’initier aux mythes, contes et légendes, aux textes fondateurs et aux grandes œuvres du patrimoine. Elles sont aussi associées au travail sur le lexique et à la découverte des formes et des genres littéraires. Elles suscitent la réflexion sur la place de l’individu dans la société et sur les faits de civilisation, en particulier sur le fait religieux.

Lecture analytique, lecture cursive

Pour fonder cette culture humaniste, le professeur de français construit sa progression à partir de la découverte et de l’étude de textes littéraires. Chaque année, les élèves sont invités à lire plusieurs œuvres du patrimoine, principalement français et francophone, mais aussi européen, méditerranéen ou plus largement mondial.

Ces différentes formes de lecture sont pratiquées avec le souci constant de privilégier l’accès au sens, de prendre en compte la dimension esthétique et de permettre une compréhension approfondie du monde et de soi. Elles s’attachent dans tous les cas à développer les compétences de lecture et à susciter le plaisir de lire.

←l’anthologie et les programmes 

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Autour du mot « travail »

Séance lexicale : autour du mot travail

 

 Peggy Dumont – Collège Jules Ferry (Anzin

 

Cette séance peut venir en bilan de l’Etape 1 – De la mécanisation à la déshumanisation de la séquence « Où va le travail humain? ». Elle permet de reconsidérer les différentes lectures analytiques à la lueur d’une notion lexicale qu’est l’étymologie du mot TRAVAIL.

Ainsi, en découvrant dans un premier temps l’origine très singulière de ce mot, les élèves pourront ensuite, par cette activité, enrichir leur commentaire littéraire et parfaire leur lecture de l’image.

Puis, dans un second temps, en  étudiant l’étymologie de deux autres synonymes latins du mot TRAVAIL (et en rendant ainsi compte de la richesse sémantique de cette notion), les élèves seront conduits à maîtriser de nouveaux outils linguistiques efficients propres à compléter et éclairer leurs lectures analytiques.

Cette activité d’une durée d’une heure en salle pupitre requiert l’exploitation de ressources numériques en lignes (notamment de dictionnaires).

Les élèves disposent sur leur serveur, des textes précédemment étudiés, des extraits filmiques des Temps Modernes de Charlie Chaplin et du questionnaire ci-dessous auquel ils répondent en autonomie. Le professeur guide ces recherches en ponctuant la séance de pauses permettant l’observation d’écrans d’élèves proposant des éléments de réponses, fautifs, incomplets, contradictoires, afin de faire évoluer la réflexion lexicale dans l’alternance de moments de recherches autonomes et collectifs.

 

I° Du Tripalium au travail à la chaîne…

1° Recherchez l’étymologie du mot TRAVAIL et citez des emplois actuels de ce mot qui évoquent cette étymologie.

Le mot TRAVAIL est issu  du bas latin populaire « tripalium » qui désigne à l’origine un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transversale, auquel on attachait les animaux pour les ferrer ou les soigner, et qui fut ensuite utilisé comme instrument de torture.

Le travail désigne donc dans un premier temps l’objet concret qui entraîne une souffrance. Au Moyen Âge, la signification du terme évolue : en ancien français, il désigne l’instrument de torture, puis correspond à l’action de tourmenter ou de se tourmenter soi-même (n’oublions pas que la conception – très prégnante au Moyen Âge – du travail-châtiment et du travail-pénitence, fut répandue par le christianisme à partir de la genèse, avec la condamnation d’Adam et d’Eve au travail qui est la conséquence directe du péché originel). Par glissement sémantique, le travail désigne le résultat de cette action : la souffrance, la peine, le tourment.

Cette étymologie du mot TRAVAIL renvoie donc à la notion de contrainte et de domination, mais aussi de tourment, de torture et de souffrance.

 

On retrouve aujourd’hui encore des traces de ce sens étymologique dans certains emplois du substantif TRAVAIL et du verbe TRAVAILLER :

a)  lorsque le travail désigne les douleurs de l’accouchement (la salle de travail – le travail d’enfantement)

b) Voir tous les sens donnés par le dictionnaire en ligne CNRTL (article TRAVAILLER -B. 1 et 2 : qqc travaille qqu / qqu travaille qqu) – http://cnrtl.fr/definition/travailler

2° A la lueur de l’étymologie du mot TRAVAIL, en quoi le titre donné à l’extrait du roman de Céline « Travail à la chaîne » (Lecture analytique 1), est-il doublement pertinent ?

Dans cet extrait de Voyage au bout de la nuit, Louis – Ferdinand Céline évoque les usines Ford de Détroit qui les premières ont appliqué l’organisation scientifique du travail (OST) et ont soumis leurs ouvriers aux lois du Taylorisme fondées sur le travail à la chaîne. Le titre de l’extrait évoque précisément cette rationalisation du travail, mais il rappelle également les sens étymologiques du mot TRAVAIL : il met non seulement en perspective la notion de domination et d’aliénation des ouvriers soumis à la machine en même tant qu’il évoque l’idée de torture à laquelle sont soumis les hommes.

3 ° Sélectionnez un photogramme du film « Les Temps Modernes » de Charlie Chaplin rendant compte également du sens étymologique du mot « TRAVAIL » et rédigez un court texte justifiant votre choix.

 

Plusieurs photogrammes peuvent convenir pour illustrer le sens étymologique du mot « TRAVAIL » : on pourra retenir notamment les photogrammes montrant Charlot soumis, entravé physiquement par les machines.

Il pourra s’agir de la célèbre séquence où le héros est happé par la machine :

Sans titre

Mais on pourra également se référer à la scène de la machine à manger pour laquelle le professeur pourra apporter une analyse complémentaire permettant d’établir un lien flagrant entre l’idée que la machine ici représentée comme une entrave et un instrument de torture.

En effet, dans la longue scène de « la machine à nourrir » (8min 49 à 12min58), la machine se transforme en véritable objet de torture.

            Premier constat : la machine présentée par les ingénieurs  est totalement inutile puisqu’elle ne répond pas à sa fonction première, celle de faire gagner du temps à l’ouvrier, qui certes reste sur sa chaîne de montage mais ne peut absolument  plus bouger, puisqu’il est littéralement ceinturé, entravé, incapable de bouger ni pour se nourrir, ni pour travailler. Cette scène relativement longue (4 min) est particulièrement symbolique.

Cette activité nourricière relève de la torture pour Charlot. Il est cet individu emprisonné à une place, sans possibilités de mouvoir son corps, assigner à avaler ce qui lui est donné (et non pas proposé.) Quasiment emmailloté dans cette machine de fer, Charlot devient un tronc.

 

Le cadrage est lui aussi symbolique :

 

Chaplin 2

 

 

  • la construction du plan est oblique : le spectateur n’est pas situé dans l’axe de Charlot, mais sur le côté, il n’apparaît pas en face (comme dans un dispositif théâtral classique ou le personnage participe activement au spectacle – comme à la fin du film)
  • Une échelle de plan « semi-rapproché », ou plan-taille : le personnage n’a pas accès au gros plan (à la différence des boulons de la machine ou du maïs) ; le spectateur n’est pas amené à partager les émotions du personnage ; le spectateur est placé à distance du personnage, au niveau du patronat (le plan est d’ailleurs en légère plongée)
  • Tout le visage de Charlot exprime une humanité bafouée, ramenée en deçà de l’animal, au rang du nourrisson (à l’époque, les enfants en bas âge étaient encore emmaillotés)
  • Il doit ingurgiter ce que décide le patronat, qui joue ici le rôle de mère nourricière. On obéit toujours à celui qui nous donne à manger (or, le premier pouvoir que détient l’enfant face à l’autorité parentale, c’est le refus de manger)
  • Cette scène tire surtout sa force satirique de son extrême violence : le spectateur, s’il rit, n’en subit pas moins lui aussi la torture infligée au cobaye qu’est Charlot : gavé de boulons (symbolisant l’industrie), trempé de soupe chaude, frotté au visage par un épi de maïs (emblématique des U.S.A), souillé par  la traditionnelle tarte à la crème (renouvelant le gag usé de la tarte à la crème), l’ouvrier est totalement nié dans son humanité , il n’est même plus un esclave du système, ni un ouvrier infantilisé, il est réduit à l’état d’animal d’élevage qu’on gave pour accroître les profits du patron (ce qui ne fait que justifier les 2 premières images du film comparant, les ouvriers à des moutons :  ils ne sont pas seulement des moutons parce qu’ils se rendent à l’usine comme des bestiaux vont à l’abattoir, sans réfléchir, sans se poser de questions. Ils sont aussi des moutons par ce que le système dominé par les patrons et la mécanisation les y contraint).

II° Entre LABOR et OPUS

4° En latin, le mot TRAVAIL peut se traduire par les mots :         

– LABOR  (http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=labor)

– OPUS (http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?p=1087)

En vous aidant des articles du dictionnaire latin GAFFIOT en ligne, indiquez les nuances de sens des notions de LABOR et OPUS et indiquez ensuite les mots français issus de ces deux racines latines.

 

labor correspond à la notion de peine au travail, de fatigue, de labeur (comme conséquence du péché) : c’est particulièrement le sens du mot TRAVAIL dans l’expression labores Herculis, les travaux d’Hercule.

Les mots français issus de cette racine sont entre autre : labeur, laborieux, laborieusement, labour, labourer, labourable, labourage,  laboureur, laboratoire, laborantin, collaborer, collaboration, collaborateur, élaborer, élaboration…

 

opus (ouvrage) correspond à la notion d’ouvrage, de travail comme résultat de la création ou d’une activité naturelle (on remarque dans le 2) de cet article que le seul mot opus peut se traduire chez Térence ou Cicéron par « travail de la terre » ou « travail des champs »

Les mots français issus de cette racine sont entre autre : opus, opéra, opération, opérateur, opérer, opime, coopérer, coopération, coopérateur, postopératoire, ouvrable, ouvrier, ouvré, ouvrage, ouvragé, œuvre, désœuvré, désœuvrement, manœuvre, manœuvrer …

 

 Etymologiquement issu du mot latin TRIPALIUM, la signification du mot travail a cependant évolué au fil des siècles, se positionnant plutôt du côté du labor, dans un premier temps, puis du côté de l’opus.

            Procédez à la relecture du texte Simples propos de Louis Armand et expliquez en quoi il rend compte, dans une certaine mesure, de cette évolution sémantique.

Dès son paragraphe introductif, Louis Armand oppose d’emblée deux visions antinomiques de la notion de travail dans un univers désormais soumis à la technique et au machinisme. Deux images s’opposent :

– « l’image d’un ouvrier rivé à une machine-outil » où l’homme est soumis « à un esclavage de plus, celui de la machine« . Comme dans le film de Charlie Chaplin, les Temps Modernes, cette conception du travail renvoie directement à l’idée de soumission de l’homme par la machine et évoque ainsi l’étymologie du TRIPALIUM (la machine étant l’objet qui entrave l’ouvrier et réduit sa liberté) et associe l’idée de TRAVAIL avec l’idée de pénibilité, de labeur, plaçant alors le travail du côté du LABOR.

A contrario, les techniciens conçoivent la machine comme un moyen de « libérer l’homme de nombres de servitudes » : preuve en est, « les métiers odieux » utilisant la force musculaire des hommes disparaissent, grâce à la machine qui est alors un « auxiliaire » générant ainsi un véritable « progrès social » par lequel le travailleur manuel ressent « un contentement intime à conduire des moteurs pour faire l’ouvrage que, naguère encore, il accomplissait à la main« . Ce progrès social nous permet de voir le sens du mot TRAVAIL glisser de la notion de TRIPALIUM (avec l’idée d’aliénation et de soumission) ou même de LABOR (avec l’idée de souffrance et de pénibilité liées au travail manuel) à la notion d’OPUS (d’ouvrage à réaliser avec la machine comme adjuvant).

 

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L’étude de la langue comme déclencheur de lecture analytique

L’étude  de la langue comme déclencheur de lecture analytique

 

Support : David Rousset, L’Univers concentrationnaire, 1946

 

Problématique possible de séquence  ou projet de lecture : l’expérience des camps est-elle dicible ?

 

Objets d’étude : niveau première :

 « La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation du XVIème à nos jours »

on peut notamment intégrer ce texte au corpus suivant :

– Elie Wiesel La nuit

Primo Levi si c’est un homme

Jorge Semprun Le grand Voyage

Jean Cayrol Nuit et Brouillard

 

Description de la démarche::

I°  On propose d’abord de partir d’une observation précise de faits de langue particuliers et repérés dans les extraits sélectionnés

  L’activité des élèves sera intensifiée par l’utilisation du vidéo projecteur, du TBI ou ordinateur en réseau (classe mobile ou pupitres). Cela permet en faisant appel au sens visuel des élèves de concrétiser les opérations mentales effectuées sur la langue grâce au traitement de texte (souligner, supprimer, déplacer…)

Il s’agit ici de s’intéresser plus particulièrement à la caractérisation par les adjectifs et les relatives.

On pourra  pendant cette première activité mesurer les lacunes à combler : ce qui constituera un premier diagnostic des capacités et des connaissances des élèves

Il s’agira ensuite d’opérer des transferts tant dans le domaine de la lecture que dans celui d’activités d’écriture afin d’évaluer les acquis en leur assurant une stabilisation.

Les activités proposées ne sont pas exclusives. Par exemple il est tout à fait possible d’envisager des activités orales incitant les élèves à réinvestir les faits de langue observés et analysés.

Description de l’activité :  objectif : diagnostiquer les besoins : observer, identifier, classer :

Consigne :

1)    Mettre en gras les relatives, repérer leur antécédent, distinguer explicatives et déterminatives

2)    Soulignez les adjectifs épithètes et attributs, distinguez les classifiants  (objectifs) des non classifiants (subjectifs)

 

1er extrait : « Dieu a dit qu’il y aurait un soir et un matin  » (chapitre III)

Tous les matins, avant l’aube, le marché des esclaves. Les Gummi frappent les crânes, les épaules. Les poings s’écrasent sur les visages. Les bottes tapent, tapent, et les reins sont noirs et bleus et jaunes. Les injures tonitruent. Des hommes courent et se perdent dans les remous. D’autres pleurent. D’autres crient. Les concentrationnaires se cognent, s’enrouent de jurons, se chassent d’un Kommando à l’autre. L’aube lentement froide, en quelque saison que ce soit. Les équipes de travail se forment. Kapos et Vorarbeiter , des négriers. Leur alcool du matin : frapper, frapper jusqu’à la fatigue apaisante. À quatre heures, le sifflet mitraille le sommeil. La matraque secoue les lenteurs. L’atmosphère du dortoir est gluante. Les insultes installent la journée dans les cerveaux, en français, en russe, en polonais, en allemand, en grec. La longue attente heurtée, bousculée, criarde, pour le pain et l’eau tiède. Maintenant, sur cinq, zu fünf. Un peu avant six heures, le S. S. va passer en revue les équipes de travail. II se tient là, devant les hommes gris, un poing sur la hanche, les jambes écartées, le fouet, une longue lanière de cuir tressée, dans l’autre main. Les bottes brillent, claires, nettes, sans une trace de boue.

La dure et lente journée faite d’anxieuse attente et de faim. Pelles, pioches, wagonnets, le sel épais dans la bouche, dans les yeux, les blocs à enlever, les rails à placer, le béton à fabriquer, transporter, étendre, les machines à traîner, et S. S., Kapos, Vorarbeiter, Meister, sentinelles qui frappent jusqu’à la fatigue apaisante.

Lorsque les Américains approcheront, ce sera la fuite obligatoire, insensée, vers nulle part. Des wagons de cent cinquante, cent soixante hommes, une faim hideuse au ventre, la terreur dans les muscles. Et, la nuit, les Haeftlinge s’entretueront pour dix grammes de pain, pour un peu de place. Le matin, les cadavres couverts d’ecchymoses, dans les fossés. À Wrebbein, il faudra monter la garde des morts avec des gourdins et tuer ceux qui mangent cette chair misérable et fétide des cadavres. Des squelettes étonnants, les yeux vides, marchent en aveugles sur des ordures puantes. Ils s’épaulent à une poutre, la tête tombante, et restent immobiles, muets, une heure, deux heures. Un peu plus tard, le corps s’est affaissé. Le cadavre vivant est devenu un cadavre mort.

 

Point de langue : de l’observation à l’analyse

La catégorie adjectivale constitue le lieu privilégié de la subjectivité de l’écriture littéraire. Il semble donc intéressant de montrer aux élèves comment le texte narratif s’inscrit également dans une logique discursive à laquelle les adjectifs, par leur valeur caractérisante du substantif, participent au premier plan.

Il est à remarquer l’abondance des adjectifs et surtout le déséquilibre entre adjectifs «objectifs ou classifiants » et «subjectifs ou non classifiants » (Précis de Grammaire pour les Concours ; Dominique Maingueneau p:53), les premiers proposant une description neutre, une propriété permettant un classement dans une catégorie relativement nette et admise par tout le monde dans cet univers. En effet « noirs, bleus, jaunes, tiède, dure, lente, épais, vides, puantes… » (adjectifs dits classifiants) expriment une caractéristique concrète de l’ordre du matériel et du physique et  complètent  des noms inanimés, des choses. Seuls « anxieuse », « apaisante » ?, « obligatoire », insensé », étonnants » (non classifiants ) offrent plutôt un jugement de valeur, une réaction affective trahissant la forte présence de l’énonciateur. Ajoutons à cela la présence d’une seule relative identifiée après manipulation comme déterminative (suppression impossible ) complétant un antécédent général sans détermination précise (SS, Kapos, Vorarbeiter….)

PS : certains adjectifs peuvent donner lieu à discussion : « misérable »  par exemple. ces débats d’élèves sont toujours très féconds et permettent de rendre compte de leur réception du texte.

Transfert sur un second extrait : évaluer la capacité à identifier, classer, analyser les effets  (même consigne : On demande le même travail de relevé

 

Premier paragraphe:

L’UNIVERS concentrationnaire se referme sur lui-même. Il continue maintenant à vivre dans le monde comme un astre mort chargé de cadavres.

Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. Même si les témoignages forcent leur intelligence à admettre, leurs muscles ne croient pas. Les concentrationnaires savent. Le combattant qui a été des mois durant dans la zone de feu a fait connaissance de la mort. La mort habitait parmi les concentrationnaires toutes les heures de leur existence. Elle leur a montré tous ses visages. Ils ont touché tous ses dépouillements. Ils ont vécu l’inquiétude comme une obsession partout présente. Ils ont su l’humiliation des coups, la faiblesse du corps sous le fouet. Ils ont jugé les ravages de la faim. Ils ont cheminé des années durant dans le fantastique décor de toutes les dignités ruinées. Ils sont séparés des autres par une expérience impossible à transmettre.

 

[…]  second paragraphe :

Peu de concentrationnaires sont revenus, et moins encore sains. Combien sont des cadavres vivants qui ne peuvent plus que le repos et le sommeil !

Cependant, dans toutes les cités de cet étrange univers, des hommes ont résisté. Je songe à Hewitt. Je songe à mes camarades: Marcel Hic, mort à Dora ; Roland Filiatre et Philippe, revenus le corps ravagé, mais leur condition de révolutionnaire sauve. À Walter, à Emil, à Lorenz, hanté de savoir sa femme, elle aussi, dans un camp, et qui cependant jamais ne s’abandonna. À Yvonne, au Dr Rohmer, à Lestin, à Maurice, un communiste de Villejuif, travaillé par la fièvre, mais toujours solide et calme. À Raymond, crevassé de coups et fidèle à sa vie. À Claude, à Marcel, affamés, et tenant haut quand même la dignité de leur jeunesse. À Guy, l’adolescent, à Robert Antelme mon compagnon de travail dans le Paris occupé, et qui revint comme un fantôme, mais passionné d’être. À Broguet, le boulanger, qui sut toujours s’évader dans un rêve enfantin. Pierre, qui, pour vivre, construisit des aventures dangereuses. Vieillard, mort à Neue-Bremm. À Paul Faure, si attentif et posé, habile à résoudre les petites choses décisives. À Crémieux, qui, aux pires moments de sa désespérance, ne trahit pas son art. À Martin, mon plus intime compagnon des jours de la mort. Vieillard de soixante-six ans qui pas un instant ne faiblit et finalement remporta la victoire.

Le solde n’est pas négatif.

 

Constat  extrait 2 :

Inversion du rapport : Nette évolution entre le premier paragraphe (proche du premier extrait) et le second où  les adjectifs subjectifs et les relatives redonnent au texte sa dimension anthropologique. 

–       Pour aller plus loin dans l’interprétation à partir de ces observations sur l’Univers concentrationnaire de Rousset : on met en regard les  conclusions et on affine l’analyse pour montrer comment Rousset met une écriture et une grammaire du texte au service des enjeux discursifs.

–       1er extrait                                                                     2ème extrait

    Absence d’adjectifs subjectifs     (affectifs ou évaluatifs)    Absence de relatives    Volonté de l’auteur de réduire l’univers   concentrationnaire à ce qu’il est : un lieu déshumanisé.  Exprimer la négation de l’humain par un langage qui se réduit à une expression minimale.Se rapprocher « du livre 0 » : traduction la plus fidèle du vécu concentrationnaire où l’affect est absent.   1§ :Caractérisation pauvre, voire absente : univers déshumanisé   Absence de caractérisation : nombreux     noms employés seuls.Adjectifs quasi exclusivement objectifs.Lexique du corps et de la mort.Grammaire minimaliste. (CF premier extrait)  2§ :Abondance des relatives Adjectifs subjectifs (affectifs et axiologiques)Adjectifs possessifs et démonstratifs Lexique de l’humain et de l’espoir Noms propres des compagnons morts Syntaxe plus complexe Négation du négatif  Inversion du rapport : Nette évolution entre le 1er § et le 2ème § : les adjectifs subjectifs et les relatives redonnent au texte sa dimension anthropologique : le texte final est un texte d’espoir.   
 –       Détournement des lois de la grammaire qui permet de remettre en cause la délimitation précaire entre vie et mort dans le camp –       Texte Hommage car l’auteur par l’usage de la détermination humaniste, redonne sa place à l’homme au terme de son œuvre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Transférer les acquis et en évaluer les effets

 

 

 

1)    En lecture : mener un travail identique d’étude de la langue sur deux extraits d’un document complémentaire comme Nuit et Brouillard de Jean Cayrol.

2)     Proposer un travail d’écriture d’invention :

A la mnière de David Rousset dans « L’univers concentrationnaire « 

Vous rédigerez à la première personne un texte en deux parties (chacune une page environ) dans lesquelles vous décrirez d’abord le fonctionnement de l’univers concentrationnaire et la « néantisation » de l’humain. Puis, dans la seconde partie, vous tâcherez, de mettre en avant l’irréductible triomphe de l’homme face à la barbarie des camps. Vous prendrez soin de réinvestir dans vos choix d’écriture le travail sur la langue mené sur le texte de Rousset.

3)    Ou un exercice de commentaire en indiquant clairement dans les consignes la nécessité de fonder ses observations sur l’identification précise de faits de langue.

Dans une séance TICE on va recourir au terme de l’un ou l’autre de ces travaux à quelques  commentaires assistés par ordinateur (TBI, vidéo …) L’élève va commenter en identifiant les procédés les effets qu’il a voulu produire.

Voici un exemple de travux d’élèves  à partir du sujet d’invention :

 

Travaux d’élèves