Archives mensuelles : mars 2017

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forcé

Au commencement était la violence. L’Ereigniës est le meurtre collectif  perpétré  par une partie des habitants du village contre un étranger, l’Anderer, en raison de ses différences.

Au commencement était la contrainte. Brodeck, allant simplement chercher du beurre à l’auberge du village pour sa famille, se retrouve embarqué de force dans l’écriture d’un rapport racontant cet étrange meurtre dont il ne connaît même pas l’histoire.

Forcé 

Au commencement était l’intimidation. Le maire,  Orschwir, est un personnage manipulateur qui va menacer et faire pression sur Brodeck. Il possède une fortune, ses cochons. A quoi pourraient-ils bien servir ? De quoi serait-il capable ?

Au commencement était la surveillance. Forcé d’écrire le rapport, Brodeck est constamment épié par les villageois. L’un d’eux, Gobbler, son propre voisin notamment va l’espionner, rentrant chez lui à son insu, afin d’inspecter l’avancement de son écrit, s’étonnant de l’entendre autant taper à la machine pour un simple rapport. Un personnage écoeurant et malhonnête, qui soumettra au maire des informations en défaveur de Brodeck suite à ses fourberies. Jusqu’où les habitants du village, si peu bienveillants, pourraient-ils aller ?

A la fin naît un récit où Brodeck raconte sa vie truffée d’épreuves auxquelles on ne pouvait s’attendre, ainsi que celle de ses compagnons de déportation. Il se libère donc de la contrainte qui lui est imposée en faisant part, dans son écrit, du mépris et des différentes sortes de violences qu’il a pu subir.

Marion Tonolo

Espace intime de Brodeck                           ⇒Quels mots pour entrrer dans Le Procès?

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Les autres

Qui sont les autres ? 

Les autres, un pronom indéfini

Désignant une réalité imprécise

Ces quelques lettres n’abritent pas l’individu

Mais tout le monde à la fois.

Les autres signifient-ils la différence ?

Brodeck ainsi que Frippman

Sont désignés comme autres

Eux, ils sont des Fremders.

Mais pour Brodeck, qui sont les autres ?

De quelle façon peut-on les percevoir ?

Est-ce les gentils ou les méchants ?

Ce sont les médisants.

Les autres sont les personnes lâches.

Ils portent en eux la haine,

Ils sont racistes

Envers tous ceux qui sont différents d’eux.

Pour eux « étranger » et « mort » se conjuguent.

Si on n’est pas né au village,

Qu’on ne se ressemble pas,

On passe de vie à trépas.

Les autres sont des personnes sans valeur,

Ils sont hypocrites,

Ils respirent le mal,

Ils le répandent autour d’eux.

Les autres, enfants, font déjà preuve de cruauté :

Jeter à l’eau un pauvre enfant,

Geler sa langue,

Est-ce un jeu amusant ?

Pour les autres,  l’Autre, c’est l’Anderer,

C’est Brodeck, qui a fait des études

A croire que l’intelligence

Marginalise.

Ces autres-là, si différents

Peuvent être accaparés par la peur,

Celle d’être rejetés,

Celle d’être bannis

Les autres, les autres…

Nous sommes toujours l’Autre pour quelqu’un

C’est ce qui nous différencie.

Aline Hennache

 « Les autres », un groupe de différentes personnes mais sans aucune distinction entre les individus du groupe.

    « Les autres » sont les commanditaires du rapport auprès de Brodeck, qui sera destiné à d’autres individus qui lui sont alors inconnus. Les autres, ces commanditaires, se retrouvent dans l’auberge Schloss.

   Les autres

   Schloss, le propriétaire de l’auberge où les hommes du village se réunissent pour parler et c’est lui qui héberge l’Anderer. Il va alors apporter son aide à Brodeck pour l’écriture du rapport.

   Les autres

   Wilhem Vurtenhau, un paysan très riche possédant de nombreuses terres ; il rappelle alors sa tâche à Brodeck et est très en colère contre lui. Il le tiendra pour responsable de quoi qu’il arrive.

    Les autres

    Rudi Gott, le maréchal ferrant du village ; il a été défiguré par un sabot  de cheval qui lui a écrasé le nez ; celui-ci va alors recadrer Brodeck alors qu’il écrit son rapport. Il va le surveiller de près.

    Les autres sont de simples personnes qui, seules, n’ont pas le même poids qu’en groupe. Les foules sont auteurs de mauvaises actions, on ne peut donc trouver le coupable. Les individus en groupe peuvent réaliser des actes qu’ils ne peuvent faire seuls, par manque de pouvoir. Un groupe ne peut plaire à tout le monde ; il nuit toujours à un autre groupe. Un individu en foule peut donc combattre une cause avec plus de pouvoir qu’individuellement.

Maxime Dujardin

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Machine

Le rapport, c’est moi qui l’ai écrit, en quelque sorte. Brodeck aurait dû seulement écrire un rapport sur l’Anderer mais il a décidé de raconter sa vie en marge de celui-ci, c’était plus fort que lui. C’est peut-être à cause de ce mur… Brodeck a eu la bonne idée de mettre le secrétaire face au mur, ce qui lui a rappelé le camp et comme, il dit « sa boîte ». Il fallait qu’il le dise à quelqu’un. En parlant du secrétaire, mon ancien propriétaire s’appelait Diodème. Lui  savait la vérité et c’est ce qui l’a poussé à se suicider. L’Anderer lui aussi connaissait la vérité et on sait tous ce qui lui est arrivé. Et Brodeck, lui, veut bien sûr la connaître aussi. Il n’a pu s’empêcher d’ouvrir le tiroir du secrétaire qui contenait les notes de Diodème et la lettre qu’il avait laissée à son intention. Mais quel est  ce mystère ? Que s’est-il vraiment passé ?

Andréa Courcol

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Mémoire

 

    Non, Monsieur le Maire, je n’écrirai pas un rapport mais des mémoires, plus spécialement MES mémoires. Je ne pourrai pas écrire un rapport sur l’Anderer  car je ne connais strictement rien de lui mis à part son passage dans notre village. Cependant je peux réaliser  un « rapport » sur mes mémoires et sur la mémoire collective du village car j’ai moi-même vécu  ici avant de me faire déporter pendant la guerre. J’ai été déporté car les villageois m’ont dénoncé à l’occupant pour obtenir leur tranquillité. Ils m’ont dénoncé car ils ont jugé que j’étais différent et étrange par rapport à eux et que je n’avais pas ma place parmi eux. Le village suit toujours le même principe qu’alors : j’ai cru entendre que ce fameux Anderer était étrange et c’est sûrement pour cela qu’il est mort ; cela me rappelle mon vécu, mon histoire. C’est pour cela que je n’écrirai pas ce rapport.

Ou plutôt si. Je l’écrirai mais il sera un alibi. En même temps que je le rédigerai, j’écrirai mes mémoires. Ces événements me taraudent, ils ont fait remonter en moi ce dont je ne voulais plus parler. C’est trop tard. La vanne est ouverte. C’est pour cela que maintenant je veux en parler. Je voudrais avoir ce rapport sur moi, sur ma vie et non pas sur un village entier.

Victor Sion

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Je n’y suis pour rien

  Tu t’appelles Brodeck et tu y es pour quelque chose. Du moins, c’est ce que je pense sinon pourquoi te sens-tu obligé de préciser ton innocence et d’insister autant dessus à part pour qu’on te dissocie de ce que tu t’apprêtes à raconter ?

    Cela sonne à mes yeux comme un témoignage lors d’un interrogatoire au commissariat. Ton histoire m’est alors devenue mystérieuse. Au début, je me suis demandée si tu n’avais pas été témoin d’un événement mais vu ton insistance, je me suis demandée si, après tout, tu n’avais pas été victime de quelque chose et si tu n’avais pas besoin de notre soutien. Mais une telle insistance m’a amenée à penser que tu es coupable Coupable  de quoi ? Je ne sais pas. Dans tous les cas, tu me sembles rongé par une forme de culpabilité. Peut-être essayes-tu avant tout de t’innocenter à tes propres yeux ? Nous convaincre serait alors te donner une image nouvelle, l’image de l’innocent que tu voudrais être.

   Après cela une autre question m’est venue en tête : de quoi veux-tu être innocenté ? Que vas-tu nous raconter ? Est-ce si grave que cela ?

Au fil du roman, nous apprenons à te connaître et nous découvrons ton passé et l’événement auquel tu faisais allusion.

    Tu as eu la malchance de connaître les camps de concentration  durant la guerre. Tu t’y es retrouvé déporté, désigné par les villageois pour « acheter leur tranquillité ». Cela a dû être horrible pour toi  d’être ainsi trahi et de vivre, ou plutôt de survivre dans ces camps. Tu as eu énormément de chance d’en réchapper et tu as fait  preuve de beaucoup de courage.

    A ton retour, tu as su reprendre une vie normale, banale au sein de la communauté du village mais cela a hélas basculé du jour au lendemain. Un soir plus exactement, alors que tu allais chercher un peu de beurre pour le souper, tu t’es retrouvé impliqué dans cette histoire. Tu n’ as pas vraiment eu le choix après tout, comment dire non à des hommes capables de tout, même de tuer ? Les villageois t’ont demandé d’écrire un rapport. Pour  toi qui as l’habitude d’en écrire sur les différentes plantes que tu étudies, cela ne devait pas être très difficile. Or le rapport en question ne concerne pas une plante, elle concerne un événement. L’Ereigniës qu’ils l’appelaient. Un terme allemand pour évoquer la mort de l’Anderer, l’autre. Tu es bel et bien innocent, tu vas juste mener ton enquête, assembler les pièces du puzzle et relater les événements comme tu le peux. Tu n’approuves pas réellement ce que tu écris et ce qui va se passer au sein du village, tu ne veux pas décevoir les villageois et subir une répression quelle qu’elle soit. Tu as peur.

    Tu agis sous la contrainte, tu aurais préféré ne jamais savoir et rester en dehors de tout cela. Tu es impuissant, passif, innocent ; tu subis ton destin.

    Pourquoi n’as-tu pas la conscience tranquille alors ? tu n’es pas impliqué dans le  meurtre de l’Anderer, en tous cas c’est ce qui nous apparaît suite à la lecture du roman.

    A la fin du roman, tu nous avoues avoir volé, dans un wagon… Bien que ce fût totalement involontaire et instinctif, tu ne peux t’empêcher d’y repenser, cela hante ta conscience. Tu ne peux pas supporter l’idée d’avoir tué et c’est pour cela que tu ne veux pas être associé au meurtre de l’Anderer.

    Tu vas terminer ce rapport et le rendre au maire. Contre  toute attente, une fois lu, ce rapport sera brûlé. Qu’y as-tu écrit pour qu’il parte en fumée ? Tu y as dénoncé la cruauté des hommes, leur lâcheté et la peur de l’étranger. Quels mots as-tu utilisés ? Ça, je ne le sais pas. Le brûler, c’est détruire symboliquement la vérité, la faire disparaître.

 Tu finiras par quitter le village et démarrer une nouvelle vie, cherchant à oublier la cruauté des hommes et à te mettre en sécurité, toi et ta famille. Sans doute as-tu peur de subir le même sort que l’Anderer qui a été en réalité assassiné pour avoir été différent et pour que ne soit pas divulguée la vraie nature des villageois. Maintenant, toi aussi tu le sais. Tu as beaucoup de points communs avec cet étranger et tu n’as jamais eu ta place dans ce village.

Tu clôtures cette histoire comme tu l’as commencée mais en insistant davantage sur identité. Nous savons désormais que tu es innocent face au meurtre de l’Anderer.  Tu es coupable d’un meurtre involontaire mais désormais tu désires tout oublier. Peut-être as-tu compris que le crime  perpétré par les villageois était pire que le tien. Après tout, tu n’y es pour rien.

Clémence Delbergue

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ILS

  Le pronom personnel ils représente la troisième personne du pluriel, c’est-à-dire la personne absente, celle dont on parle, que certains linguistes appellent la non-personne parce qu’elle ne participe pas à la situation d’énonciation.

    Dans cet incipit, ils est utilisé plusieurs fois : « m’ont-ils dit », « ils n’ont rien voulu savoir ».  Ils est aussi remplaçable par d’autres expressions comme « les autres », « on » ou « nous », même si Brodeck est un villageois isolé.

    Ils laisse à la première lecture une vague de mystère. Ils savent quelque chose. Ils veulent que Brodeck, le personnage principal, fasse un rapport sur le village, ce que ce dernier accepte sous la contrainte.

  Ils est une succession de il.

Il, c’est le maire du village.

L’or des Orschwir, ce sont les porcs.

Hans est laid, pas malin ni savant et plutôt lâche.

Il  ne considère pas mieux les êtres humains que ses porcs.

« Ils ne connaissent pas le remords »

Ils mangent de tout, sans jamais se poser de questions.

Ils ne laissent rien derrière eux,

Aucune trace, aucune preuve.

Il participe à  l’assassinat de l’Anderer.

Sans éprouver le moindre remords.

Sa priorité est de continuer à vivre,

Malgré les erreurs commises.

Il, c’est l’aubergiste

Chez qui l’Anderer a été assassiné.

Schloss est un homme veule, sans envergure.

« Je fais ce qu’on me dit, c’est tout.

Je ne veux pas d’histoires. »

Mais il est détruit

Suite à la mort de sa femme et de son fils.

Dieter  essaie d’aider Brodeck

En lui rapportant la  conversation

Entre Orschwir et l’Anderer.

Il, c’est l’instituteur.

Limmat a plus de quatre-vingts ans.

Brodeck éprouve de la sympathie pour lui,

Pour son érudition et sa connaissance de la forêt.

Ernst-Peter n’a pas participé à l’Ereigniës,

Il sait tout ce qu’il s’est passé sans jamais le condamner

Puisqu’il fait partie du ils.

Ils, c’est les hommes qui lisent et jugent le rapport.

Ils sont tous responsables de l’assassinat de l’Anderer.

Mélanie Piowczyk

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Je tiens à le dire

Chère Poupchette,

   Si je t’écris, c’est parce qu’à cette heure-ci, j’ai trop de choses sur la conscience, je dois te dire, je ne peux plus vivre avec cela enfoui en moi, c’est trop difficile…

   Je vais  t’apprendre des choses  que tu ne sais probablement pas. Il faut que tu saches que je n’y suis pour rien, cette guerre m’a empêché de protéger ta mère. J’ai vécu l’horreur du cratère et lors de mon absence, des choses irréparables ont été commises,  mais je n’y suis pour rien. Là-bas, on me faisait faire tant de bassesses que je regrette aujourd’hui. Cependant, sans cela, je ne serais plus là pour te parler. Mon ami, lui, l’a payé de sa vie. Je l’ai fait pour Emélia…

    Par mes actions, des personnes sont mortes. Pourquoi ai-je volé cette eau ? Pourquoi ai-je agi avec une telle cruauté ? Je regrette tellement…

    Je n’y suis pour rien dans la mort de l’Anderer, je n’y suis pour rien…

    Poupchette, je t’aime et je t’aimerai toujours. Je n’oublierai pas nos promenades, ni ton enthousiasme lors de la fête organisée en l’honneur de l’Anderer. Je n’y suis peut-être pour rien,  mais je t’aime comme ma fille. Je t’aime, Poupchette, n’oublie jamais ça…

Brodeck

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Etudes

Cher maître,

    Il y a des soirs où, comme vous le savez, le monde s’écroule ; et justement ce soir fait partie de ceux-ci. Je vous écris donc  cette lettre afin de vous faire partager mon ressenti qui, me semble-t-il, vous concerne plus que les autres car je souhaite vous parler de mes études.  Il est vrai qu’en allant à la capitale pour celles-ci, j’ai réalisé et appris un certain nombre de choses… Je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup apprendre et lire, curiosité que, comme vous me l’aviez dit, vous aviez remarquée à mon arrivée ici. De plus j’ai rencontré des personnes formidables telles que ma chérie Emélia, ou encore Ulli Rätte…  Malheureusement j’ai ouvert une sorte de boîte de Pandore durant cette période avec l’atrocité des dizaines de personnes massacrées  lors de cette après-midi enneigée ; mais j’ai aussi fait face à la trahison de celui que je pensais être mon ami… Ulli fut par la suite  parmi ceux qui ont détruit ma vie et cela sans le vouloir puisqu’il ne m’a jamais vu ; mais évidemment j’aurais préféré ne pas le reconnaître que de le voir avec ces bourreaux…

    Au final, il se peut que vous vous en moquiez puisque j’ai eu la déception de vous voir parmi  EUX, lors de cette soirée où je fus contraint de palabrer sur l’Anderer… Vous n’étiez pas avec eux ce soir-là, mais vous saviez tout, sans vous y opposer, pourquoi ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas interposé  entre eux et cette personne juste avide de savoir ? Moi qui vous considérais comme un père, je me sens trahi par  votre attitude cette soirée…  Je tenais à vous le dire car je ne voulais pas garder cela sur le cœur éternellement. Je sais que vous comprendrez parfaitement ce que je vous exprime car vous restez à mes yeux une personne intelligente et intéressante, malgré tout, M. Limmat.

    Je vous quitte en  espérant que vous ne vous sentez pas trop méprisé, et avec tout le respect que je vous dois, je souhaite fortement vous revoir afin de peut-être en rediscuter moins maladroitement… A bientôt.

Brodeck

 Lindsy Duchâtelet

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Souvenir

 

Je me souviens de mes randonnées, des notes inutiles que je mettais des heures à faire pour finalement n’être lu par personne. Ces descriptions de la faune et de la flore nous entourant, des saisons rythmant nos vies et celle de ce cadre en perpétuel évolution

Je me souviens de cette colline. De cette montée semblant interminable mais où, de là haut, le village tenait dans la paume de la main, où tous les sommets avoisinants  se rejoignaient pour nous offrir le plus beau des spectacles. Je l’avais rencontré une fois là haut et lui avait donné, tout en admirant la vue, les différents noms de ces montagnes semblant jouer avec les nuages et  je me souviens de la culpabilité dévoilé ces noms comme si c’était la pire des fautes

Je me souviens  d’Emelia chantant sur ce sommet son éternelle et mélancolique chanson au coucher du soleil, de Poupchette jouant à ses pieds . De la grâce et de la beauté dont cette scène faisait preuve, la rendant presque irréelle

Je me souviens de la première fois où elle m’est apparue . De l’amour qu’à cet instant j’ai éprouvé pour elle presque malgré moi. Des souffrances endurées afin de pouvoir la revoir encore une fois

Je me souviens de mon voyage vers le cratère et de Kelmar. De nos interminables discussions, de la soif qui a fait de nous deux meurtriers. Je me souviens de l’arrivée au camp et de cette course qui restera à jamais gravée en moi. Peut-être aurais-je dû m’arrêter là aussi

Je me souviens du livre de l’Anderer où elle était là. La pervenche des ravines, la fleur que depuis tout ce temps je cherchais était là, sous mes yeux. D’une beauté inégalée, elle avait l’air, dans ce livre rarissime que j’avais cherché dans toutes les bibliothèques de la région, d’un trésor. Un bijou dans un écrin conservé à l’abri des regards

Je me souviens du jour où les tableaux ont été accrochés. Des premières réactions puis de la haine et de la violence qu’ils ont soulevée. De la vague de rage qui s’est abattue sur tout notre village, des choses qu’elle a détruites mais dont je me souviendrai toujours

Je me souviens de cette tâche qu’on m’a imposée : écrire ce rapport. Des nuits blanches que j’ai passées à me torturer l’esprit à savoir si la vérité devait être révélée ou non. De me remémorer ce que j’aurais préféré chasser de mon esprit. Mais les souvenirs sont ce qu’ils sont, je ne pourrai jamais les faire taire, je ne peux que les fuir.

 Léa Soualle
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ligoter

Brodeck nous dit, au début du roman, qu’il préfèrerait « ligoter sa mémoire », ce qui nous montre qu’il n’écrit pas par envie. D’ailleurs ce sont les autres qui l’y forcent. Le choix de ce terme est important, « ligoter » faisant référence aux liens qui entravent mais aussi au fil : Brodeck est donc celui qui brode l’histoire, avec ce fil. Son récit raconte les faits d’un meurtre qu’ont commis la plupart des habitants du village, mais Brodeck, lui, ne veut pas écrire : il préfère lui-même oublier tout cela. Mais dans sa quête, il interroge de nombreux habitants et, de fil en aiguille, les langues finissent par se délier : il en apprend plus sur ce meurtre, mais aussi sur son propre passé, un peu comme si sa mémoire était elle-même ligotée. Ainsi, au fur et à mesure, dans la tête de Brodeck se forme, pièce par pièce, un puzzle qui varie entre ses souvenirs et les découvertes qu’il fait sur son passé. Au fil de l’histoire, Brodeck finit par délier son passé , qui était ligoté au fond de sa mémoire.

Antoine Lenquette

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Brodeck

↔Un jour, quelques années après la mort de Brodeck, Emélia repensa à celui-ci : « Quel brave homme il a été, simple, il ne s’est jamais surestimé, gentil, il n’a jamais voulu offenser personne, craintif face aux personnes plus importantes que lui mais il a tout de même fait acte de résistance en écrivant ce rapport à sa manière…
Ce jour où tout a basculé, le jour de la mort d’un simple étranger qui séjournait au village, lorsque le maire lui a demandé d’écrire ce rapport, lui qui avait à peine étudié, je ne sais pas s’ il avait la capacité d’écrire, la capacité d’utiliser la machine à écrire et cette belle compréhension des mots. Ce n’était pas donné à tout le monde… Mais il avait en lui ce talent de jouer avec les mots que je ne lui connaissais pas. Même si je n’étais pas d’accord, je trouvais cette décision du maire juste. Le fait qu’il ait accepté si facilement m’a surprise. Peut-être n’était-il plus le même après ce qui s’était passé… Comme j’aimerais de nouveau le voir, lui parler, le comprendre mais c’est impossible, je le sais bien. Après avoir réfléchi, je me suis mise à penser qu’il avait la pression de tous les habitants, ces cruels villageois qui l’avaient déjà envoyé en camp de concentration et qui m’avaient laissé vivre ça, qui m’ont enfermée dans ce silence. Il ne voulait pourtant pas le faire car il s’agissait d’un meurtre auquel il n’avait pas assisté contrairement aux villageois. Il ne voulait donc pas y être associé et il avait peur de dire des choses fausses. J’aurais dû lui venir en aide, comme je m’en veux de plus pouvoir revenir à moi ! Il a tout de même écrit ce rapport car il tenait à sa vie hors des camps et tenait à moi, à Poupchette, qu’il a acceptée sans rien dire, et à Fédorine. Il répétait sans cesse « je n’ai rien entendu et je n’y suis pour rien ». Je me rappelle qu’au début les habitants du village lui disaient d’écrire ce qu’ils lui disaient mais malgré son manque d’estime de soi, il l’écrivit à sa manière car il n’avait pas confiance en eux. Et cet ignoble maire l’a brûlé après l’avoir lu ! Ce rapport le dérangeait alors pourquoi l’a-t-il demandé ? Cela, jamais je ne le saurais, comme beaucoup de choses d’ailleurs maintenant.
Brodeck, maintenant que tu es parti, je ne pourrai jamais te revoir, les souvenirs qu’il me reste de ta présence sont mes plus précieux. Comme j’aurais aimé te dire que je t’aime, te remercier de ne pas m’avoir abandonnée. Tu es resté alors que j’étais plongée dans le silence dont je ne pourrai jamais sortir. Ce terrible silence qui me hante chaque nuit. Toi, tu as continué à m’aimer, à me le montrer à travers ce rapport que toutes les nuits ma peau a réchauffé. Moi, je ne peux que chanter pour te dire tout ce que je pense… 

Davy Plovier

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Je m’appelle

Je m’appelle

My name is. Me llamo. Ich heiße.

Un groupe de mots universel prononcé différemment en fonction des langues mais ayant la même signification.

Il sert à se différencier des autres, il est suivi du nom de la personne qui le prononce mais, dans ce roman, qu’est-ce qu’un prénom lorsque c’est une foule qui parle comme celle qui a tué l’Anderer ? Cette foule était-elle si différente des personnes gardant les camps de concentration ? Etait-elle si différente de ceux qui ont renommé « Chien Brodeck » ?

Contrairement aux objets, notre nom n’est pas censé qualifier nos fonctions. Voilà qui désormais n’est plus le cas pour Brodeck ou encore pour le prêtre, cet « homme-égout ».

Ils ne sont plus à un rang d’homme

Thomas Chehad

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