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Parcours : Des écrans et des hommes

Titre : Des écrans et des hommes

Quelle place pour l’homme dans notre société numérique ?

 Carole Guérin-Callebout
Collège Mendès france Tourcoing

  

Objet d’étude, thème du programme :

Cette séquence se propose de répondre à une des entrées du programme de 3ème : Formes du récit au XXème et XXIème siècle. Plus précisément, la séquence s’appuie sur des nouvelles et un roman « porteurs d’un regard sur l’histoire et le monde contemporain. »

Le thème retenu est celui de la culture numérique. C’est à partir de celle-ci que la place de l’homme dans le monde d’aujourd’hui sera débattue pour interroger les valeurs fondamentales de l’humanisme à la lumière de notre société contemporaine.

Ce thème sert également de point d’ancrage pour construire un parcours de lecture dans l’anthologie « Itinéraires humanistes pour notre temps » avec un double objectif :

  1.  Eclairer le sens de l’œuvre étudiée en lecture intégrale : No pasaran, le jeu de Christian Lehmann, et plus largement faire résonner les textes entre eux au service de la construction du sens.
  2.  Guider les élèves dans leur réflexion pour interroger le monde : y a-t-il encore une place pour l’homme dans une société dominée par le numérique et dans laquelle chacun se positionne derrière un écran ?

 

Objectifs généraux du projet :

lecture

Un corpus de nouvelles pour lancer la réflexion et construire une problématique d’étude : trois nouvelles extraits du recueil Passage d’enfer de Didier Daeninckx (Solitude numérique, L’écran crevé et Le salaire du sniper)

Un texte ouvroir pour lancer l’étude de l’œuvre intégrale, extrait de l’anthologie : la chute de la nouvelle de Pierre Bordage Fonds d’écran, p. 305

– Le roman de Christian Lehmann qui sera étudiée en œuvre intégrale, No pasaran, le jeu

Un corpus de documents extraits de l’anthologie pour prolonger la réflexion et nourrir le débat  (un extrait du Passeur de Lois Lowry, p. 339, un extrait de la Vingt-Cinquième Heure de Virgil Gheorghiu, p. 295 ; un photogramme extrait du film de Jacques Tati, p. 292)

culture humaniste / histoire des arts

Le jeu : un art au service des hommes ?

Réflexion sur cet autre langage artistique qu’est le jeu et les valeurs humanistes qui lui sont associés.

Ø  Les joueurs de cartes de Otto Dix (étude menée en interdisciplinarité avec le professeur d’Histoire-Géographie)

Ø  Une lecture artistique des jeux vidéos :

 exploitation de l’exposition du Smithsonian American Art Museum « The art of video games »

Types d’écrits travaillés

Des écrits fonctionnels : écrits de travail et écrits de commentaire en relation avec les différentes lectures proposées.

Un écrit long sous la forme d’un écrit argumentatif pour effectuer la synthèse de la séquence.

Des écrits fictionnels au service de la lecture analytique

langue

-Un travail sur la grammaire du discours et la modalisation : le conditionnel et le subjonctif au service de l’expression de sa pensée.

– les subordonnées de condition, de concession et de d’opposition

oral

 Entraînement à l’oral d’Histoire des Arts

De nombreux débats interprétatifs en classe

 

 

Utilisation des TICE :

Utilisation du TNI au service des lectures des textes

Exploitation des ressources numériques en ligne pour aider les élèves à mieux écrire (dictionnaires électroniques…)

Quelques séances en salle pupitre en particulier pour travailler l’Histoire des Arts en allant observer les vidéos à disposition du Smithsonian American Art Museum

Travail en lien avec l’ENT pour enrichir l’espace numérique de la classe avec la mise en ligne des travaux des élèves et en particulier une valorisation de l’expression orale avec des enregistrements des débats via le logiciel Audacity.

 

 

Présentation synthétique de la séquence  puis détail de l’activité et/ou de la séance proposée :

 

Plan synthétique de la séquence, Des écrans et des hommes

 

Les premières séances de la séquence ont pour but de créer un horizon d’attente suffisamment riche pour que les élèves puissent construire un questionnement propice à l’étude intégrale de l’œuvre.

C’est une étape essentielle pour aiguiser la curiosité, créer de l’appétence et lancer le débat.

Séance 1 : séance de restitution de lecture cursive

Lancement de la séquence : restitution de lecture cursive pour construire une problématique de séquence et lancer la réflexion

Notons que la lecture cursive en elle-même avait été introduite, afin d’éveiller la curiosité et le sens critique des élèves, par un débat lancé via un sujet de forum sur l’ENT de l’établissement.

capture page forum

Une lecture du corpus des 3 nouvelles de Didier Daeninckx :

Ø  Solitude numérique : la déchéance d’un couple miné par la place de plus en plus grande de la télévision ; langage et sentiments annihilés par la multiplication des écrans que permet notre technologie.

Ø  L’écran crevé : la capture de tous les écrans par un programme unique mondiale, un reportage relatant un massacre auquel personne n’avait prêté attention….

Ø  Le salaire du sniper : un homme prêt à tout, au nom de la course à l’audimat, pour obtenir un scoop et même si cela doit engendrer une tragédie.

Dans quelle mesure le genre de la nouvelle est propice à la réflexion sur l’homme dans notre société contemporaine ?

Quelle vision du monde Didier Daeninckx donne-t-il à lire ?

Ces nouvelles permettent en effet de s’interroger sur la place des écrans dans notre société et leur impact sur les relations humaine (si les intrigues mettent plus spécifiquement en valeur la place et les usages de la télévision, il est aisé d’élargir le débat aujourd’hui à l’ensemble des écrans avec la multiplication des supports et la diversité des usages).

Séance 2 : séance d’expression écrite et orale

Rédaction d’une interview de Didier Daeninckx, à la manière d’une émission de radio dans laquelle l’auteur parle de son métier et et développe ses idées. Ce travail d’écriture permet d’évaluer la lecture des élèves et le cheminement de leur pensée.

Le travail s’effectue en plusieurs strates, associant strates écrites et orales.

Ø  Un travail d’écriture en plusieurs jets successifs avec une aide apportée aux élèves pour bien exploiter la séance de lecture.

Ø  Un travail de correction et d’enrichissement à partir de l’étude de deux interviews de Didier Daeninkx aboutissant à un travail de correction collective.

Ø  Enregistrement, via le logiciel « Audacity », des deux projets les plus aboutis (cf fichiers audio joints)

-un exemple de production avec Bélinda dans le rôle de la journaliste radio et Angélique dans le rôle de l’attachée de presse de Didier Daeninckx : interview belinda et angélique

– un second exemple de production avec Valentine dans le rôle de la journaliste et Théo dans le rôle de Didier Daeninckx : interview val et théo

Séance 3 : Séance de lecture analytique

Lecture analytique de l’extrait de la nouvelle de Pierre Bordage, Fonds d’écran

Cette lecture s’achève sur l’introduction du roman de Christian Lehmann et de son carnet de lecture.

La seconde partie de la séquence est essentiellement consacrée à la construction du parcours de lecture intégrale du roman de Christian Lehmann.

Séance 4 : Séance d’expression orale

L’objectif de la séance est de lancer un premier débat à partir des impressions de lecture des élèves, tout en exploitant la lecture cursive de l’oeuvre. Un corpus de documents, projetés au TNI, est proposé comme support de l’activité.

Le travail est engagé à partir d’une confrontation de documents (des reproductions des insignes de la Légion Condor Nazie et un extrait du roman, lorsque Gilles et Eric débattent de cette insigne et de ses valeurs).

Les élèves s’appuient également sur leur carnet de lecture complété pour approfondir la réflexion et reconnaître derrière ces symboles le personnage d’Andréas :

          Andréas n’est-il qu’un geek ?

          Est-ce un héros ?

Séance 5 : séance de lecture analytique

Première lecture analytique extraite de l’œuvre :

lecture analytique n°1 (p. 54 à 58 dans l’édition Ecole des loisirs)  « Il se cala dans un recoin du bâtiment.. » à « La mort au combat est la plus belle mort qui soit…. »

Une lecture comme ouverture et invitation à la réflexion :

        Le jeu comme dépassement de soi, comme travestissement de soi

        absence de limite entre le virtuel et le réel

        rythme frénétique

        la question du « fragmeister… »

CCL : quelles valeurs associées au jeu ?

Séance 6 : Séance d’Histoire des Arts

Etude des joueurs de cartes d’Otto Dix, dans le cadre de la thématique, Art, Etat, Pouvoir, à travers l’exploitation du thème du jeu.

Ce tableau, en effet, tout en reflétant l’engagement de l’artiste contre la guerre, place le jeu au centre de la scène et interroge ses valeurs tout en interpelant chacun sur la place que le monde réserve à l’homme.

Le tableau permet ultimement de se demander où se situe l’humanité.

Séance 7 : séance de lecture analytique

La seconde lecture analytique poursuit cette interrogation.

lecture analytique n°2: (p. 143 à 146)  avec une opposition entre le personnage d’Eric, en proie à la terreur et celui d’Andréas, fasciné par son score et les pertes à venir.

          Le jeu peut-il donc déshumaniser ?

// contextualisation : l’assaut de Guernica

          Prolongement de la lecture pour développer la culture humaniste des élèves : présentation du  tableau Guernica de Picasso (en partenariat avec le professeur d’espagnol)

Lecture complémentaire pour renforcer les oppositions, de la dernière scène de jeu de Thierry où réalité et monde virtuel se mêlent (p. 117 « Thierry hésita, saisit les vêtements qu’on lui tendait »… à la fin du chapitre.

Séance 8 : séance de langue

L’objectif est d’étudier les outils de langue qui permettent de mettre en valeur les oppositions entre Eric et Andréas et ainsi de réfléchir à la modalisation du discours et de bien mettre en place les différences entre l’expression de l’opposition et celle de la concession.

Séance 9 : séance de lecture

Quel sens donner finalement au roman ?

lecture analytique n°3 (dans la dernière partie du roman) « Une voix résonna, une voix, que étrangement, il crut reconnaître-  Pio, pio, pio…. »  à  « ils essayèrent mais personne ne répondit »

        Une scène à la fois pathétique et tragique

        Un combat épique

        Lancement de la LA en faisant réécrire la scène comme un compte-rendu que ferait un soldat à sa hiérarchie de la manière la plus neutre possible pour que les élèves se rendre compte de la charge émotionnelle de la scène, de son intensité tragique.

        Symbolique du dragon : élargissement avec étude du tableau «  saint georges contre le dragon ».

        C’est un  combat des forces du Bien contre le Mal.

La dernière partie de la séquence est consacrée à la réalisation d’un bilan et d’un élargissement pour développer la réflexion comme la culture artistique des élèves.

Séance 10 : séance d’expression écrite

L’objectif est d’inviter les élèves à dresser une synthèse de leur lecture pour donner leur vision du monde, monde d’aujourd’hui et demain,  à travers la rédaction d’un écrit argumentatif.

Pour les y aider, un corpus de documents est proposé et étudié, tous extraits de l’anthologie (cf présentation initiale). Tous proposent un certain regard sur le monde de demain. Aux élèves à présent de proposer leur regard sur le monde en précisant la place que l’homme y aura en s’appuyant sur l’ensemble des lectures effectuées. C’est donc bien à un véritable travail de synthèse et de commentaire que les élèves sont conduits :

Y a -il encore une place pour l’homme dans notre société numérique?

Séance 11 : séance d’Histoire des Arts

Une séance appuyée par l’usage des tablettes tactiles

Il s’agit ici de dresser le bilan de tout le parcours en interrogeant la valeur artistique du jeu, et plus précisément le jeu vidéo, dans le cadre de la thématique « Arts, ruptures et continuités ». Les élèves sont invités à enrichir leur jugement sur la technologie numérique à la lumière d’une réflexion à dominante artistique désormais :

Le jeu, expression d’une technologie de pointe,  peut-il devenir un art ?

Pour les aider à dresser ce bilan, les élèves sont tout d’abord invités à consulter un corpus de documents, via leurs écrans et en s’aidant des fonctions tactiles de la tablette (facilité de navigation, zoom…,). Ils sont ainsi confrontés à des documents qui interrogent la dangerosité des jeux -telle qu’elle a déjà été évoquée et débattue dans le parcours de lecture- mais aussi sa valeur artistique.

Chacun est ensuite invité à prendre parti pour lancer un débat en classe avant de produire un écrit pour restituer sa pensée.

 

→Une séance de lecture analytique : la lecture de la chute de la nouvelle de Pierre Bordage, Fonds d’écran

 → Les travaux d’élèves réalisés au terme du parcours de lecture

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Bilan : compétences mobilisées au cours des différentes activités du projet

L’ensemble des compétences du socle seront travaillées au cours de la séquence et plus particulièrement les compétences 1 et 5 : la maîtrise de la langue française et l’acquisition d’une culture humaniste. Le projet permet également de rendre les élèves, plus responsables, autonomes et éclairés et ainsi de travailler les champs de compétences 7 et 8 du socle.

 

 Un extrait d’interview de Didier Daeninckx

Entretien Aubervillers 1994. Extrait de Les Cahiers de Colette

François Maspero.- Le métier d’écrivain : qu’est-ce que cette expression évoque pour vous ?

Didier Daeninckx .- Quand je faisais le métier d’imprimeur, c’était une préoccupation qui se limitait à la journée de travail et elle s’accompagnait toujours d’une aspiration à autre chose. En revanche, le métier d’écrivain tel que je le pratique depuis dix ans se cofond complètement avec ma vie. Je ne fais pas de différence entre ce que je vis et l’écriture. Je sens toujours une nécessité de rencontrer d’abord dans la vie les problèmes qui vont se poser dans le roman. L’écriture et la vie font un bloc. Avant, la vie commençait après le travail. Aujourd’hui, toutes les expériences quotidiennes se confondent : les balades pour aller faire les courses, ce que me raconte ma fille de l’école, la lecture des journaux, la télévision, tout ce que je fais peut devenir de la matière romanesque. C’est une quête à longueur de journée.

F.M.-Mais est-ce un métier qui s’apprend ?

J’ai connu deux moments d’apprentissage de l’écriture.

Le premier se situe en 1977. À l’époque, comme beaucoup de monde, j’étais dans une déprime absolue, je n’arrivais plus à me lever pour aller au travail, la carcasse refusait de suivre le mouvement. Si je m’en suis sorti, c’est en devenant pour la première fois écrivain, et rien que cela, pendant quatre mois. J’ai écrit un très mauvais roman, Mort au premier tour. Ce livre a été avant tout une manière de pouvoir continuer à vivre. Chaque mot que j’écrivais, chaque tiret que je mettais étaient un apprentissage. Je n’avais jamais rien écrit, avant, qui dépassait la page et tout d’un coup je me trouvais affronté à la longue durée : je ne savais pas comment un personnage ouvrait une porte, comment il parlait, comment il prenait la parole, je ne savais pas comment dire les couleurs, comment commencer un chapitre, comment le terminer, bref je ne savais absolument rien faire. Quatre mois d’enfer. Mais je crois que là, j’ai appris véritablement : j’essayais de trouver des solutions et, même si je ne les trouvais pas toujours, au moins les vrais problèmes m’apparaissaient par centaines. Ensuite, le livre est resté inédit pendant cinq ans : il a été refusé par neuf éditeurs avant d’être accepté par le Masque. Pendant ce temps, j’ai totalement arrêté d’écrire. Et quand la publication de mon roman m’a redonné l’envie d’en faire un autre, je me suis aperçu que beaucoup de problèmes étaient résolus. Par la lecture, par le fait que le cerveau continue à travailler. Quantité de choses qui m’apparaissaient insolubles étaient devenues de l’ordre de l’évidence. La peur de la page blanche ne s’est plus posée : je sèche comme tout le monde, mais ce n’est pas un blocage.

Le deuxième moment, c’est en 1985, quand j’ai abordé une autre forme littéraire : la nouvelle. Je n’écrivais pas de nouvelles, on disait que c’est la forme la plus difficile, je croyais que c’était vrai. Un jour, on m’en a demandé une et j’ai mis un mois à écrire une dizaine de pages :  Le Point de vue de la meurtrière, l’histoire d’un poilu de 14-18, dans une casemate, qui voit défiler le monde entier par cette fente étroite. De parvenir à faire entrer le monde entier par la meurtrière et à tout faire tenir dans dix pages, m’a complètement décrispé.

Hors ces deux moments, mon fonctionnement c’est l’obsession. C’est de penser des semaines et des mois à un sujet, des personnages, une histoire, puis de laisser les choses, la vie de tous les jours m’apporter des éléments de réponse, des petits morceaux de scotch entre des personnages… Et quand le roman est prêt dans ma tête, je me mets au travail pour écrire. Il y a des cas où la mise en tête s’est faite en un mois, après quoi le roman s’est écrit dans la foulée. Ou d’autres où, comme maintenant, cela fait trois ans que j’ai un projet de roman, c’est une préoccupation constante.

Document joint

Le carnet de lecture pour guider les élèves dans leur lecture du roman de Christian Lehmann

Carnet de lecture : No pasaran, le jeu

      carnet_de_lecture_no_pasaran (fichier texte)