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La guerre

Cette satanée guerre, quel dégât n’a-t-elle pas causé dans ce village ! D’ailleurs notre histoire est rythmée par la guerre, notre monde,  aujourd’hui,  résulte des conséquences de celles-ci. Tout le monde. Tout le monde en est responsable, elle est là, elle est présente, et cela depuis très longtemps. Malheureusement, malgré les moyens dont nous disposons aujourd’hui, personne n’a le pouvoir d’arrêter son éternel recommencement. Elle a existé, elle existe et elle existera. Quand j’entends ce mot, je fais référence aux deux conflits mondiaux que j’ai moi-même vécus et qui causèrent la mort de plus de soixante millions de soldats, d’hommes, de femmes, d’innocents.

    Dans ce carnet, je tiens à consigner l’histoire du village où je me trouve en ce moment, même si je crains que personne ne le lise un jour. Quand j’arrivai dans ce village, quelques mois après le conflit, je sentis une certaine froideur chez les habitants. Là, les gens me fixent du regard quand je marche dans la rue. Une fois, j’ai même entendu mon propre nom, prononcé par un des villageois. Peut-être suis-je en train de devenir fou me direz-vous, peut-être disait-il du bien de moi, mais je ne pense pas. Au fond, dans ce village, comme dans de nombreux autres à l’époque où nous vivons, règne une certaine haine de l’étranger. Cette xénophobie a notamment été renforcée par tous les crimes de guerre que les villageois ont dû vivre pendant ses six années de calvaire, par exemple de la part des Fratergekeime qui ont fait prisonniers de nombreuses personnes ou encore ont pillé ce village de fond en comble dans l’espoir de se réapprovisionner. Ou même par les habitants eux-mêmes qui étaient prêts à vendre leur voisin à l’ennemi dans le seul but de survivre. Puis, quand je parle de prisonnier de guerre, je parle surtout des camps de concentration. D’ailleurs, dans ce village, je connais une personne ayant subi ce calvaire, il se nomme Brodeck. Quelles souffrances n’a-t-il pas endurées quand on sait les malheurs qu’ont vécus les prisonniers à l’époque. Il a sûrement été maltraité par les  serviteurs d’Hitler. Je n’ose même pas imaginer. Ce que je sais aussi, c’est que la femme de Brodeck nommée Emélia est restée muette, elle chantonne, mais ne parle plus. Elle a perdu la raison quand la guerre a pris fin. A-t-elle été marquée par la disparition de son mari ? A-t-elle subi des horreurs de la part des Fratergekeime ? Ici tout le monde sait, je le sais…

    Pour le moment, je retourne peindre, c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à m’arrêter, c’est comme s’il y avait quelque chose en moi qui m’empêchait d’abandonner. Saurai-je un jour pourquoi ?

Jimmy Pawlowski

Espace intime de Brodeck                            ⇔Quels mots pour entrer dans le Procès ?