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Vérité : Variations

« Que voulez-vous de moi ? Raconter la vérité ou votre vérité ? Votre vérité n’est peut-être pas la même que d’autres, demander le pardon en mentant ne servira pas. Je ne veux pas être le bouc émissaire. Ce n’est pas parce qu’ils me croiront que votre vérité sera conforme à leurs attentes. Je ne veux pas que vos idées soient de votre imagination et qu’il en sorte un mensonge. Si je dois le faire, je ne veux que la vérité. Etes-vous sûrs que vous, vous y teniez ? Alors quelle est votre vérité ? Pourquoi cet acte était-il une nécessité ? Le rapport sera basé sur vos témoignages et ma propre enquête si bien que la vérité sera toujours difficile à distinguer du mensonge même si elle est pourtant raisonnable enfin… si elle existe ici. Pourquoi avez-vous tant besoin de pardon si c’était une nécessité ? La vérité est que vous voulez qu’on vous pardonne pour avoir la conscience tranquille alors que cet acte était prémédité. Vous avez peur, voilà tout. La vérité peut couper les mains. Pour pouvoir faire de mon mieux, il faut que je sache si vous voulez établir la vérité ou vous faire croire ? »

Sarah Blanchard

    » Chers villageois, c’est le moment de vous quitter mais il y a une chose dont je dois vous faire part.

   Vous m’avez demandé de rédiger un rapport sur la mort de l’Anderer, afin de ne pas vous sentir coupables de son meurtre. J’ai cependant des doutes sur les circonstances et sur la raison pour laquelle il a été tué. Au tout début de mon enquête, je me suis rendu chez le maire afin d’en savoir un peu plus. Quand il m’a servi une tranche de lard, je regardais son couteau, ce couteau qui lui servait le plus naturellement du monde, ce matin-là, à se nourrir et qui la veille au soir s’était sans doute planté à plusieurs reprises dans le corps de l’Anderer. Puis je lui ai demandé de voir le corps et celui-ci m’a clairement fait comprendre qu’il n’y en avait plus, ce qui a renforcé mes soupçons .

    Quand j’avais enfin fini de rédiger ce rapport, je suis allé le porter tôt le matin chez lui. Et celui-ci l’a lu avec la plus grande attention et s’est mis à tourner autour de la table tout en marchant lentement en me racontant une histoire de moutons.  J’avais compris : c’était Orschwir le berger et vous les moutons.  Le troupeau a besoin de son berger afin d’assurer la cohésion du groupe mais jusqu’à quel point ? Après ces paroles, il s’est rapproché du poêle où de grandes flammes réchauffèrent toute la pièce, il ouvrit la trappe et jeta le rapport dans le feu ne me disant : « il est  temps de tout oublier, Brodeck. Les hommes ont besoin d’oubli. »  Maintenant que vous connaissez toute l’histoire, il est temps que je parte et que je vous chasse de ma mémoire à tout jamais. « 

Brodeck

Charlotte Tiberghien

Espace intime de Brodeck                                ⇒ Quels mots pour entrer dans le procès?