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Ecrit d’invention à partir de la séquence « Imagine que tu es une femme » :

Rappel du sujet:

1/ Le censeur Monsieur Petrovitch a lu le roman de S. Mandanipour. Il écrit à l’auteur pour lui faire part de ses réactions et pour lui donner sa décision en ce qui concerne la publication de ce texte. Vous ferez allusion à certains passages de l’œuvrCher Monsieur Mandanipour,

Je vous écris suite à la lecture de votre roman, celui dont l’histoire est celle d’une jeune fille appelée Sara et d’un prénommé Dara.

Je ne suis pas contre un roman d’amour si celui-ci est conforme. Mais parlons conformité.

Je peux relever dans votre ouvrage un bon nombre de passages non acceptables eu égard aux lois que j’applique. Vous, écrivains, cherchez toujours à rendre l’imagination des lecteurs plus abstraite. Par ces mots vicieux et imprécis, les lecteurs ne peuvent que se perdre et imaginer ce qu’ils veulent. Dans un roman d’amour, toutes les raisons leur sont bonnes pour sombrer dans le fantasme et l’érotisme. Je vous montre : «  Dara boit son thé à petites gorgées. Sara dit : « Il est très chaud. » Dara répond : « Le mien aussi ». » Avec trente ans de métier, je suis tout à fait apte à comprendre ce genre de message caché et je refuse que vos futurs lecteurs tombent dans le péché car ils comprennent, comme moi, ce sens détourné.

 

Je tiens à souligner, maintenant, ces passages incitant clairement à la résistance et aux activités de rébellion qui ont lieu en ce moment-même dans notre pays.

Pourquoi Sara et Dara devraient-ils faire partie de ces militants qui refusent un gouvernement tel que le nôtre ? Ne serait-il pas plus simple d’inventer une histoire entre deux jeunes gens dignes de bons pratiquants, sans idées malsaines ? Oh, mais j’ai bien compris que la facilité n’était pas une chose à laquelle vous tenez ! Je suis obligé de censurer ces pensées qui sont sûrement les vôtres, à mon grand désarroi… Le but n’est pas de vous pousser à réécrire votre roman, non, celui-ci me semble correct dans l’ensemble, mais certaines parties me paraissent impossibles à éditer !  « Sara répond : « Comment peux-tu rester silencieux alors qu’on m’a forcée à porter ce foulard ? » ». Réfléchissez, voyons ! Vous êtes un bon écrivain, et le pouvoir des bons écrivains est de nous projeter dans l’histoire, de nous faire vivre l’aventure de Sara et Dara, de se sentir Sara et Dara, de penser Sara et Dara. Imaginez ces jeunes filles dans la peau de Sara, qui en lisant cette phrase de votre livre, ont cette pensée horrifiante, celle de ne pas porter leur foulard. Vous me direz peut-être qu’une pensée n’est rien de grave, mais celle-ci est pourtant un crime, un crime contre toute une nation, Monsieur Mandanipour.

Certains passages m’ont choqué, et en choqueraient d’autres. Mon travail est de censurer ce qui mérite de l’être. Vous serez donc prié de me retirer les propos indécents dont la nudité ou toutes descriptions trop ambiguës, ainsi que les propos que je juge sexuels donc interdits (« Pour deux vierges, de tels contacts sont à la fois agréables et frustrants. »), et vous oblige également à retirer vos commentaires sur notre société du type  « Les étudiants reçoivent toujours des coups de matraque ». Pourquoi donner une vision négative comme cela ? L’Iran est un beau pays plein de richesse, je défends qu’on salisse son image.

 

Je pense avoir été assez compréhensible pour que vous puissiez corriger vos erreurs et vous encourage de tout cœur à continuer. Mais soyons clair, si des modifications n’ont pas été faites je serai contraint d’interdire la publication de votre roman.

 

Avec mes sincères salutations,

Mr Petrovitch

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