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Ecrit d’invention à partir de la séquence « Imagine que tu es une femme » :

Rappel du sujet :

1/ Le censeur Monsieur Petrovitch a lu le roman de S. Mandanipour. Il écrit à l’auteur pour lui faire part de ses réactions et pour lui donner sa décision en ce qui concerne la publication de ce texte. Vous ferez allusion à certains passages de l’œuvrMonsieur Mandanipour,

Ma curiosité et mon sens des responsabilités concernant la corruption des jeunes lecteurs m’ont poussé à lire votre roman.

Vous savez comme moi qu’écrire une histoire sur un brûlant sujet tel qu’une relation entre les deux sexes est interdit. D’ailleurs je ne pense pas qu’évoquer la manière par laquelle les deux jeunes gens se sont rencontrés soit une bonne idée. Je crains que cette ruse n’inspire d’autres jeunes adultes désireux de vivre eux aussi une histoire passionnelle, de ressentir les émotions et les sensations d’un amour fougueux et qu’elle corrompe la république islamique, tout comme vos personnages.

Les lettres que s’échangent Dara et Sara aux pages 36 à 41 sont trop désinvoltes à mon goût et aucun jeune homme ne devrait s’adresser de cette manière au sexe opposé. La littérature inspire, nous transporte dans un autre monde, un autre univers, et je ne pense pas que l’Occident, qui apparaît trop souvent dans votre roman, influence positivement nos lecteurs. La jeunesse iranienne a besoin d’apprendre, de découvrir et surtout de comprendre que l’univers de vos personnages ainsi que la vie que vous exposez n’est pas le bon chemin à suivre. Non, ne détournez pas les bonnes âmes vers le péché qui les mènera à leur perte. Le péché charnel que vous évoquez est totalement déplacé. Certes, je vous l’accorde, vous avez fait preuve de malice et d’intelligence en essayant de représenter ce côté malsain sous la forme d’un rêve mais les faits demeurent, les mots sont écrits et la faute est bien présente.

De plus, je vous trouve bien ambitieux de vouloir publier ce récit en Iran tout en critiquant, de façon certes subtile, notre pays et nos traditions. Vous pouvez tromper certains lecteurs mais je sais lire entre les lignes et comprendre combien vous donnez une image péjorative et fausse de notre Iran adoré. Votre écriture ne met pas en avant tous les bienfaits de notre république islamique et se contente de montrer l’ancienne Perse comme un lieu sans vie, sans émotion – que dis-je, comme une prison où les sexes opposés sont séparés, où la censure prime sur les libertés. .. Mais notre société iranienne a instauré ces règles pour nous préserver. Pour nous préserver de cette influence occidentale et de ces films hollywoodiens que vous citez à de nombreuses reprises ; pour nous préserver du péché charnel, du danger.

Le voile – auquel vous faites référence plus d’une fois –  a été institué afin de ne pas dévoiler à autrui le corps de la femme. L’enveloppe charnelle ne pousse qu’à la tentation et à la perte de valeurs et de bon sens. C’est pour cela aussi que nous avons barré les parties du corps dénudées dans les magazines venus de cet Occident obscène. Si vous voyez en cela des mesures strictes d’un régime totalitaire, j’aimerais savoir où sont vos limites et quelles sont vos valeurs. C’est pourquoi il faudrait revoir certains de vos passages car au lieu d’exposer les actions de vos personnages comme des règles ou des contraintes qui s’opposent à la liberté de nos frères et sœurs, il faudrait montrer que ces principes sont là pour nous permettre de conserver nos valeurs fondamentales et de nous éloigner de la mauvaise influence américaine. J’ai d’ailleurs noté un passage qui ne m’a pas plu et que je trouve très déplacé. Je ne pense en effet pas que la venue d’une bande de garçons sous la fenêtre de votre protagoniste féminine représente l’attitude correcte et saine d’un  adolescent ou d’une adolescente qui se laisserait courtiser tel un produit, sans protestation.

Vous devez penser que je ne suis qu’un homme sans cœur ni émotion, qui use les ciseaux de la censure pour briser des rêves et des espoirs d’écrivains qui ne verront leur livre que dans un sombre et lugubre bureau accompagné de bien d’autres romans dont les pages ne seront jamais tournées…

Mais vous vous trompez. Je ne suis qu’un homme qui essaie de préserver le peu de valeurs qui persistent dans ce monde qui semble avoir perdu la notion de la normalité, de limites… Non, encore une fois, je ne veux pas d’un Iran américain !

Je vous encourage toutefois à poursuivre votre œuvre ne suivant mes précieux conseils et en faisant en sorte que vos mots ne soient plus des péchés mais une force, une lumière qui nous guiderait sur la bonne voie.

Veuillez recevoir, Monsieur Mandanipour, mes salutations distinguées,

Monsieur Petrovitch

P.S. Je vous félicite tout de même pour vos périphrases et métaphores… qui ne m’ont pas échappé !

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