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Défendre son engagement à travers la chanson

La chanson engagée

Annick Desandère

Collège Val de la Sensée, Arleux

 Niveau : Collège, 3ème

 

Objet d’étude, thème du programme :

 Cette séquence répond à l’une des entrées du programme de 3ème : La poésie dans le monde et dans le siècle. Plus précisément, la séquence s’appuie sur un groupement de chansons à texte pour aborder la poésie engagée.

 

Objectifs généraux du projet :

 

Le parcours de lecture proposé doit permettre à l’élève, à l’issue du projet, d’être capable :

– d’analyser et d’apprécier des chansons qui appartiennent à la mémoire collective.

de prendre conscience qu’une chanson qui véhicule des valeurs humanistes peut créer un lien entre les générations.

 

lecture

 

Lectures analytiques (3 chansons) :. Chanson pour l’auvergnat de Georges Brassens.. Nuit et Brouillard de Jean Ferrat (Anthologie P. 223).. Comme toi de Jean-Jacques Goldman.- Lectures cursives :. « Paroles d’étoiles », Mémoire d’enfants cachés 1939-1945, sous la direction de Jean-Pierre Guéno, Librio n°549.. Extrait du Journal d’Anne Frank (Anthologie p. 138)- Lectures d’image :

– Photographie, prise après le lancement de la 27ème campagne hivernale pour l’organisation caritative fondée par Coluche, Les Restaurants du cœur (Anthologie p)

. Affiche du film Nuit et Brouillard.

 

culture humaniste / histoire des arts

– Présentation de la chanson Nuit et Brouillard à l’oral   d’Histoire des arts. Les élèves ont travaillé à partir du film en cours d’Histoire.

Types d’écrits travaillés

Des écrits fonctionnels : écrits de synthèse après les lectures analytiques et écrits d’argumentation.- Un exercice d’imitation : rédaction d’une strophe.

 langue

Grammaire : les emplois du passé composé.- Orthographe : les accords du participe passé.

oral

 Entraînement à l’oral d’Histoire des arts.

 

Utilisation des TUIC :

Utilisation de la salle pupitre pour la mise en images de la strophe écrite par les élèves.

 

Plan synthétique de la séquence

 

Séance 1 : séance de lecture analytique

 Lecture analytique de Chanson pour l’auvergnat de Georges Brassens.

Objectifs de la séance :

  • Exprimer ses premières impressions.
  • Comprendre le texte.
  • S’interroger sur l’expression « Chanson engagée ».

Démarche :

         Les élèves écoutent la chanson (sans le texte). On recueille ensuite leurs impressions, on les encourage à exprimer tout ce qui leur vient à l’esprit (sentiments, pensées, images). Il est important que chacun d’eux puissent apprécier la chanson (musique, voix, paroles…) avant d’en saisir le sens. Cette première séance doit en effet capter l’intérêt des élèves et si possible susciter du plaisir.

            On leur fait écouter encore une fois la chanson et on leur demande   d’approfondir leurs impressions et de dire ce qu’ils ont compris pour faire émerger le sens du texte.

Dans un deuxième temps on peut donner des renseignements biographiques concernant Georges Brassens (on peut prévoir une recherche à la maison). Ils vont apprendre que Georges Brassens est parti en Allemagne dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Il revient en France lors d’une permission mais il ne retourne pas en Allemagne. Il sera alors « recueilli » par Jeanne et Marcel qui habitent dans le XIVème arrondissement de Paris. « L’hôtesse » du texte pourrait désigner Jeanne, « l’auvergnat » serait Marcel. On prétend qu’en 1939 le père de G. Brassens serait allé récupérer son fils à la gendarmerie parce qu’il aurait commis un larcin et son père ne l’aurait pas renié… « L’étranger » serait-il son père ? Ces rapprochements supposés entre les épisodes de la vie de Brassens et les personnages du texte ne permettent pas de rendre compte du sens global du texte ni de comprendre les raisons du succès de cette chanson.

           On suggère alors aux élèves de s’informer sur le contexte dans lequel la chanson a été enregistrée. En 1954, quelques mois après « l’insurrection de la bonté » de l’Abbé Pierre, elle a résonné comme un véritable éloge de la solidarité. A travers différents supports médiatiques (extrait de l’appel du 1er février 1954 de l’Abbé Pierre , début du film Hiver 54, l’Abbé Pierre de Denis Amar), on fait découvrir aux élèves cette personnalité charismatique et  humaniste.

–        Au terme de la séance, on interroge les élèves sur la raison d’être du texte dans une séquence intitulée « La chanson engagée ». L’auteur a-t-il composé cette œuvre pour la mettre au service d’une cause ? A-t-il transformé sa « plume en épée » selon l’expression de Jean-Paul Sartre ? Bien-sûr que non. Néanmoins son texte, en faisant écho à des préoccupations de son époque, n’a pas laissé indifférents tous ceux pour qui la générosité et la solidarité sont des valeurs humanistes à défendre. On indique aux élèves qu’en 1992 Jean-Jacques Goldman et les Enfoirés ont repris la Chanson pour l’auvergnat en final de leur gala au bénéfice des Restaurants du cœur.

Séance 2 : séance de versification.

Cette séance vient en prolongement de la lecture analytique précédente. On explique et on analyse la structure du texte de Brassens avec le vocabulaire requis (vers, strophe, rime, mesure du vers…). La construction du texte est mise en évidence au vidéoprojecteur. Cette séance permet à la fois de réviser des notions vues dans les niveaux antérieurs  et de préparer un exercice d’écriture pour la production finale.

 Séance 3 et 4: séances de langue.

 A partir de la 1ère strophe du texte, le professeur peut travailler sur les emplois des temps verbaux (imparfait, plus-que-parfait, passé composé). Les élèves pourront  comprendre que le passé composé exprime principalement des événements du passé (« Toi qui m’as donné du feu ») en relation avec le présent ou dont les conséquences sont encore sensibles dans le présent (« et dans mon âme il brûle encore »). Le plus-que-parfait marque l’antériorité (« avaient fermé ») par rapport au passé composé. D’autres extraits de textes sont proposés pour découvrir les autres emplois du passé composé (aujourd’hui souvent utilisé à la place du passé simple).

En orthographe, on travaille les règles d’accord du participe passé au programme de 3ème.

 Séance 5 : séance de lecture d’image et d’écriture.

La photographie en lien avec la campagne pour les Restaurants du cœur est projetée au tableau., ainsi que l’affiche de l’association. La plupart des élèves l’ont déjà vue et ils connaissent les Restos du cœur ainsi que le concert des Enfoirés retransmis à la télévision. La lecture de l’affiche se fait assez rapidement à l’oral  collectivement (les mots ; la place et l’attitude du « personnage » ; la forme, la couleur et la place des objets).

On propose ensuite aux élèves un exercice d’écriture individuel. En exploitant la lecture analytique (séance 1) et la lecture de l’affiche, on leur demande d’expliquer, en un paragraphe ou deux,  pourquoi les Enfoirés ont chanté le texte de Brassens en final de leur concert en 1992. Cet exercice les oblige à argumenter et à synthétiser (activité qui prépare à la classe de seconde). Plusieurs élèves volontaires lisent ensuite leur production, la classe décide de retenir et de recopier le travail suivant d’une élève :

 Jean-Jacques Goldman et les Enfoirés sont des artistes qui soutiennent l’association des Restaurants du cœur crée par Coluche, qui est au centre de l’affiche. Les bénéfices des concerts et de la vente des disques sont versés à l’association qui vient en aide aux plus démunis, notamment en leur distribuant gratuitement de la nourriture. C’est pourquoi une assiette et des couverts sont représentés sur l’affiche. Dans « Chanson pour l’auvergnat », la générosité est au cœur du texte par exemple à travers l’évocation  des « quatre bouts de pain » offerts à celui qui devait « jeûner ». Pour fonctionner, l’association a aussi besoin de bénévoles, de gens qui aident les autres. La solidarité est chantée par Brassens quand il évoque par exemple l’auvergnat qui a donné « du feu » alors que d’autres personnes avaient fermé leur porte.

 A travers son affiche et leur concert, l’association s’adresse au cœur des gens (c’est la forme de l’assiette) pour faire du bien au corps et surtout à l’ « âme » de ceux qui en ont besoin, comme l’a bien fait comprendre Brassens.

Séance 6 : séance de lecture analytique.

Comparaison des deux chansons suivantes : « Nuit et brouillard » (page 223) et « Comme toi ». On fait écouter Nuit et brouillard en premier car les élèves ne l’ont jamais entendue (on trouve des enregistrements vidéo en ligne). L’autre chanson fait partie des chansons reprises par La Génération Goldman. Les élèves l’ont entendue souvent mais avouent ne pas avoir fait attention au sens des paroles. On leur propose de remplir un tableau à double entrée (texte 1 : Nuit et brouillard ;texte 2 : Comme toi et de conclure ensuite.

  • Auteur, compositeur, interprète, date :

Texte 1 : Jean Ferrat (auteur, compositeur, interprète), 1963.

Texte 2 : Jean-Jacques Goldman (auteur, compositeur, interprète), 1982 (reprise par la Génération Goldman).

  • Titre de la chanson :

Texte 1 : Un décret promulgué en 1941 a préparé l’extermination des juifs. Il portait le nom de Nacht und Nebel.

Texte 2 : titre qui annonce la comparaison entre « Sarah » et la petite fille d’ « ici et maintenant ».

  • Thème commun aux deux chansons :

Les deux textes racontent que des vies ont été brisées. Jean Ferrat évoque explicitement la déportation et l’extermination de personnes juives et non juives. Jean-Jacques Goldman raconte que des gens (qui) en avaient décidé autrement ont mis fin aux doux rêves d’une petite fille, sûrement juive et d’origine polonaise.

  •  Analyse des paroles :

Texte 1 : (3 axes de lecture émergent)

La perte d’identité et la déshumanisation : grand nombre de déportés (Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers), numéro tatoué sur les bras des déportés pour les identifier (Ils se croyaient des hommes, n’étaient plus que des nombres), négation du corps jusqu’à la disparition (Nus et maigres, tremblants / Votre chair était tendre à leurs chiens policiers / Dès que la main retombe, Il ne reste qu’une ombre / Ils ne devaient jamais plus revoir un été / ils n’arrivaient pas tous à la fin du voyage).

           – La lutte des déportés pour vivre et pour survivre : L’auteur souligne le combat des déportés envoyés dans les camps. (Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants / Survivre encore un jour, une heure, obstinément / Combien de tours de roues, d’arrêts et de départs Qui n’en finissent pas de distiller l’espoir) mais aussi le combat de ceux qui ont survécu (Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux Ils essaient d’oublier, étonnés qu’à leur âge Les veines de leurs bras soient devenues si bleues).

           – La lutte contre l’oubli : Jean Ferrat rend un nom aux déportés (Jean Pierre, Natacha, Samuel) et s’engage à perpétuer le souvenir, à faire entrer toutes les victimes de la déportation dans la mémoire collective (Je twisterais les mots s’il fallait les twister Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez).

Texte 2 : Les premiers couplets décrivent l’existence heureuse et banale de Sarah, 8 ans. Elle est probablement  juive si l’on se fie aux  prénoms  de « Ruth », « Anna » et « Jérémie » et à l’allusion à la Torah (elle apprenait les lois). Cette petite fille  va à l’école, s’amuse avec ses amis aux jeux de tous les enfants de son âge. Le chanteur s’adresse dans le refrain à une fillette (née ici et maintenant) qui ressemble à Sarah (« tes yeux clairs« , « elle avait ton âge« ). Mais les deux fillettes n’auront pas le même destin. En effet, la vie de Sarah faite de « douceur, Rêves et nuages blancs » sera brisée par une intervention extérieure (« d’autres gens« ). Jean-Jacques Goldman n’évoque pas explicitement le sort de Sarah, il suggère une tragédie sans la nommer.

  • Destinataire inscrit dans le texte :

Texte 1 : de « ils » très général, Jean Ferrat s’adresse directement aux déportés en employant le pronom « vous ». Il reprend les mêmes paroles qu’au premier couplet mais le pronom change.

  Texte 2 : Le chanteur s’adresse dans le refrain à une fillette endormie (Toi).

  • L’œuvre poétique :

          Texte 1 : Neuf quatrains. Des alexandrins. Rimes suivies et croisées.

  • Musique (peut être abordée en cours d’éducation musicale):

    Texte 1 : Les timbales introduisent la chanson (cela fait penser au roulement du train, à une marche vers la mort). Les élèves reconnaissent le son de la flûte (la fuite monotone et sans hâte du temps). Ils trouvent la musique lente et triste. Elle crée une ambiance pesante.

     Texte 2 : Musique grave et triste. On peut attirer l’attention sur  le morceau de violon, air traditionnel de la musique yiddish entre la 2è et le 3è strophe.

CONCLUSION : Les deux auteurs ont écrit et composé pour que l’on n’oublie pas les victimes de la seconde guerre mondiale. L’évocation de ces victimes (juives et non juives) est beaucoup plus directe, même violente dans le texte de Jean Ferrat. Ce dernier explicite dans les derniers couplets son engagement. Dans le texte de Jean-Jacques Goldman, l’évocation de la petite fille juive commence de manière anodine. Ce qui lui arrive ensuite est seulement suggéré (cela n’empêche pas l’émotion). En s’adressant dans le texte à « toi » une petite fille d’ « ici et maintenant », l’auteur montre aussi à la génération qui écoute sa chanson qu’il ne faut pas oublier ce qui s’est passé.

PROLONGEMENT  ET PREPARATION DE LA PRODUCTION FINALE:

En prolongement de l’étude de Nuit et brouillard, on montre aux élèves l’affiche du film d’Alain Resnais Nuit et Brouillard (qu’ils ont vu en cours d’Histoire). Il s’agit de celle divisée en deux parties distinctes. On s’attend à ce que les élèves identifient les différents éléments de l’affiche (les « bourreaux » en haut, la victime en bas qui semble crier de douleur ou même mourir, les barbelés qui évoquent les camps), qu’ils mettent en évidence la construction en deux parties, qu’ils parlent des couleurs.

Séance 7 : séance de présentation du projet final.

 En lecture cursive, on propose l’extrait du Journal d’Anne Frank ainsi que le recueil « Paroles d’étoiles », Mémoire d’enfants cachés qui contient les témoignages d’enfants d’origine juive cachés en France pendant la guerre. Ce livre nous rappelle les humiliations, les trahisons, les souffrances, la barbarie dont les juifs ont été victimes. Il nous montre aussi que si certains ont fermé les yeux, d’autres (des personnes non juives), au péril de leur liberté ou de leur vie, guidés par des valeurs humanistes, n’ont pas hésité à tendre la main pour secourir. Ce livre est à lire absolument : il ne peut pas laisser indifférent.

En évaluation finale, le sujet suivant est proposé :

  1. Lisez l’extrait du Journal d’Anne Frank et le livre Paroles d’étoiles en entier.
  2. Votre restitution de lecture aura la forme suivante:

Rédaction d’une strophe à la manière de G. Brassens: vous dénoncerez l’attitude de certains mais vous rendrez aussi hommage à d’autres (Si vous vous appuyez sur des témoignages précis, n’hésitez pas à les citer).

Illustration de la strophe (dessin, collage, photo…).

Justification des choix artistiques (couleurs, plans, mots…) par rapport au texte.

Remarque : on n’attribue pas de points à la réalisation artistique. En revanche on attend des élèves qu’ils sachent justifier des choix, comme nous l’avons vu lors des séances de lecture d’image. Cet exercice constitue une évaluation finale et une préparation à l’épreuve d’Histoire des arts, dont voici quelques exemples.

Bilan : compétences mobilisées au cours des différentes activités du projet

L’ensemble des compétences du socle seront travaillées au cours de la séquence et plus particulièrement les compétences 1 et 5 : la maîtrise de la langue française et l’acquisition d’une culture humaniste. Le projet permet également de rendre les élèves, plus responsables, autonomes et éclairés et ainsi de travailler les champs de compétences 7 et 8 du socle.