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S’approprier Le journal de Zlata : De la lecture expressive à l’écrit de commentaire

Hélène Lentieul

Collège Albert Ball d’Annoeullin

 Niveau : 3ème

Texte exploité : Zlata Filipovic, Le Journal de Zlata, traduit du serbo-croate par Alain Cappon. Editions Robert Laffont, 1993

Objet d’étude, thème du programme : Récits d’enfance et d’adolescence.

Objectifs généraux : Apprendre aux élèves à exprimer leurs impressions et à justifier leurs choix oralement afin de les initier à l’écrit de commentaire et de les préparer aux questions ouvertes du brevet des collèges.

Certains élèves éprouvent des difficultés à exprimer  par écrit une justification de leurs choix et sont vite découragés par cette activité.  Un travail oral initial  leur permet de préparer efficacement leur trace écrite.

 Première étape de l’activité :

 Après une lecture silencieuse de la page du Journal de Zlata, les élèves sont invités à livrer leurs premières impressions sur le texte sous la forme d’un titre ou d’une phrase.

Exemples : La narratrice raconte sa peur de la guerre- Le bruit et la peur- Une terrible épreuve- Plus de peur que de mal- L’horreur de la guerre- Un moment de panique etc.

 Chaque élève lit sa proposition à la classe en l’associant à un ou deux passages du texte permettant d’illustrer son choix. Ces phrases-clefs serviront de repères lors de la lecture.

 Le bruit et la peur : «Tout était calme, mais, brusquement, il y a eu des coups de canon. Des explosions. Ca tonnait. »

 Un moment de panique : « On ne savait pas où aller. On était persuadées qu’un obus avait atteint notre maison. »

 Plus de peur que de mal : « On a eu de la chance, car notre toit à nous n’est qu’à une dizaine de mètres. Tout s’est bien terminé ».

 De l’ensemble des propositions émergent quelques sensations et émotions qui permettent aux élèves de s’approprier le texte. Ainsi les propositions « La narratrice raconte sa peur de la guerre – Le bruit et la peur- Une terrible épreuve – un moment de panique » insistent  sur  la violence des explosions indissociable de la peur panique et de l’affolement  qui s’emparent de  Zlata et de sa mère. Le titre « Plus de peur que de mal » met en lumière le retour au calme et le soulagement final de la famille à nouveau réunie.

 Seconde étape de l’activité : La lecture expressive.

 Le professeur demande à chaque élève de lire le texte à haute voix et d’enregistrer sa lecture.

Les élèves procèdent en salle informatique  à plusieurs enregistrements et s’écoutent afin d’améliorer leur lecture, ce qu’ils ont rarement l’occasion de faire en classe. Ils peuvent discuter avec leur binôme de leur prestation afin de retenir la meilleure.

 Utilisation des TICE en salle informatique.

Outils nécessaires : des casques, Le logiciel Audacity ou Pamus.

Les logiciels Audacity ou Pamus, téléchargeables gratuitement, permettent aux élèves de s’enregistrer facilement au casque. Audacity offre la possibilité d’effectuer un montage sur le principe du copier /coller si un passage de l’enregistrement ne convient pas. Pamus est encore plus simple à utiliser qu’Audacity car il génère automatiquement le fichier en mp3 mais ce logiciel ne permet pas de montage.

Il est possible de faire travailler les élèves en binômes, ce qui les rassure tout en leur permettant  d’adopter à tour de rôle deux postures complémentaires : celle de lecteur et d’auditeur. Ainsi chaque élève bénéficie de l’avis de son binôme sur sa prestation.

 → Enregistrement  de Camille :

→ Enregistrement de Mina :

Lorsque les élèves sont satisfaits de leur enregistrement, le professeur leur demande d’expliquer et de justifier les choix qu’ils ont opérés lors de la lecture. Les élèves procèdent donc alors à un second enregistrement.

→ La justification de Camille :

Troisième étape de l’activité :

 Le professeur choisit  quelques enregistrements  afin de les faire écouter à la classe et de les exploiter en vue de construire un paragraphe de commentaire.

 Le professeur peut  aussi videoprojeter le texte afin de faciliter le travail de repérage  qui permettra à la classe de préciser les justifications en analysant par exemple  la construction des phrases ou le vocabulaire employé.

Ainsi dans son enregistrement, Camille explique qu’elle veut montrer le contraste entre le calme initial et la peur panique déclenchée par les explosions, elle comprend facilement en regardant le texte que cette opposition entre la tranquillité du début et la confusion qui suit est soulignée par la place de l’adverbe  «brusquement » isolé  entre virgules au cœur de  la phrase de Zlata.

Mina dans son enregistrement met en valeur l’agitation  et la peur. La classe remarque que les phrases qui expriment les réactions de panique sont courtes et parfois averbales, la phrase complexe est aussi composée de propositions juxtaposées.

Utilisation des TICE  au video projecteur, TBI ou en salle informatique :

Le professeur utilise les fonctions de surlignement du traitement de texte ou du TBI pour  mettre en évidence un mot ou une construction.

 texte_ annoté_Zlata

Le professeur peut alors faire rédiger un écrit synthétisant les impressions de lecture des élèves collectivement ou par binôme.

 Une production collective : 

Au début du texte, Zlata met en évidence le contraste entre le calme qui règne dans l’appartement et l’agitation qui suit les coups de canon. La conjonction « mais » et l’adverbe  « brusquement »  mettent en valeur cette opposition brutale entre la tranquillité initiale et le chaos qui suit.

Dès lors, la peur panique s’empare des occupants de l’appartement. Les phrases simples, courtes et averbales ainsi que les propositions juxtaposées traduisent l’affolement de tous : « A un moment, il y a eu une violente détonation. Des vitres volaient en éclats ; des tuiles dégringolaient, il y avait un nuage de poussière. On ne savait pas où aller. »

Cette peur panique se change en angoisse lorsque les femmes se réfugient dans la cave et s’inquiètent pour le père : « Tout en pleurant, elle a demandé où était papa, s’il était rentré. »

 C’est le soulagement  qui domine la fin du texte : « On a eu de la chance, car notre toit à nous n’est qu’à une dizaine de mètres. Tout s’est bien terminé. »  On devine aussi une pointe de dégoût lorsque Zlata découvre les dégâts causés par le bombardement et par cette guerre qui s’immisce partout, jusque dans les endroits les plus insolites :« On a même retrouvé un éclat d’obus dans la baignoire. »

  Bilan : compétences mobilisées au cours des différentes activités du projet

 Les élèves ont souvent une approche et une connaissance intuitives des textes. La lecture oralisée peut être un moyen d’encourager et d’aider les élèves à interroger et à comprendre les textes. Elle permet aussi de mettre tous les élèves en activité en les accompagnant vers le commentaire écrit et les questions de type brevet.


Annexe :

Vendredi 7 août 1992

Dear Mimmy,

Aujourd’hui, ça a tonné dans notre quartier. Je ne saurais pas dire le nombre d’obus qui sont tombés tout près de chez nous. Papa était parti avec Samra pour la distribution de l’aide humanitaire. Tout était calme, mais, brusquement, il y a eu des coups de canon. Des explosions. Ca tonnait. Emina était chez nous. A un moment, il y a eu une violente détonation. Des vitres volaient en éclats ; des tuiles dégringolaient, il y avait un nuage de poussière. On ne savait pas où aller. On était persuadées qu’un obus avait atteint notre maison. On fonçait déjà vers la cave quand on a entendu les hurlements paniqués de Nedo. Il courait vers nous à travers la poussière, les tuiles et le verre brisé. On est vite descendus dans la cave des Bobar. Ils y étaient déjà tous. On tremblait comme des feuilles. Surtout maman.  Tout en pleurant, elle a demandé où était papa, s’il était rentré. Une fois un peu revenus à nous, on a su qu’un obus était tombé sur le toit, juste au-dessus de l’appartement d’Emina. On a eu de la chance, car notre toit à nous n’est qu’à une dizaine de mètres. Tout s’est bien terminé. Nous avons vu accourir papa et Samra. Ils s’inquiétaient pour nous. Quand nous sommes remontés, l’appartement était plein de poussière et de morceaux de tuiles. On a même retrouvé un éclat d’obus dans la baignoire. Il a fallu retrousser ses manches et tout nettoyer. J’avais peur que ça recommence, mais heureusement, c’était fini.

Zlata Filipovic, Le Journal de Zlata, traduit du serbo-croate par Alain Cappon. Editions Robert Laffont, 1993

 

 

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Ecriture d’invention : du journal intime de Zlata au récit de vie

Hélène Lentieul

Collège Albert Ball d’Annoeullin

 

Texte exploité : Zlata Filipovic, Le Journal de Zlata, traduit du serbo-croate par Alain Cappon. Editions Robert Laffont, 1993 , Anthologie page 157

Objet d’étude, thème du programme : Récits d’enfance et d’adolescence, en classe de 3ème

Objectifs généraux : Grâce à un exercice d’écriture consistant à transposer une page de journal intime en récit de vie rétrospectif, les élèves comprennent quelles sont les spécificités de ces deux types d’écrits autobiographiques.

Ecrit au jour le jour, sur le vif, sans autocensure ni prise de recul, le journal intime est le fruit d’une écriture spontanée d’autant plus libre qu’elle n’envisage pas d’autre destinataire que l’auteur lui-même. La transposition d’une page de journal en récit rétrospectif destiné à être partagé exige de l’élève une réflexion sur la prise de position de la narratrice par rapport à l’événement raconté, ainsi que sur l’effet qu’elle cherche à produire sur les lecteurs.

L’extrait ayant été lu en classe, les élèves ne disposent pas du texte pendant la séance d’expression écrite : ils  font appel à leurs souvenirs de lecture afin de raconter ce qu’ils ont retenu et ce qui les a vraiment marqués.

Sujet proposé : Zlata qui a maintenant trente ans décide d’écrire son autobiographie. Vous transposerez la page de son journal intime en un récit rétrospectif.

Vous veillerez à exprimer les sentiments de Zlata enfant mais aussi de la narratrice adulte qu’elle est devenue.

Utilisation du numérique : quelques pistes au TBI, video projecteur ou en salle informatique.

Après avoir laissé les élèves travailler quelques minutes individuellement, le professeur pourra faire lire un brouillon choisi en fonction des conseils qu’il juge utilise de donner à sa classe. Selon le matériel dont il dispose -TBI, videoprojecteur ou salle informatique équipée d’un logiciel de pilotage de type Net Support School –  le professeur projettera la copie au tableau ou affichera le travail d’un élève sur tous les écrans de la classe.

L’observation collective de ce brouillon suscitera une réflexion sur l’écriture, les élèves s’interrogeant sur les choix opérés par leur camarade et lui proposant de possibles enrichissements. Cette phase collaborative ne manquera pas de stimuler les jeunes qui éprouvent des difficultés à se lancer dans l’écriture.

Il sera alors intéressant de faire annoter l’écran ou la copie par les élèves en utilisant le stylet du TBI ou les outils d’annotation du logiciel Net Support School (surligneur, flèches etc.) afin de mettre en évidence les modifications à effectuer.

  •  Un début affiché à la classe :

 Cela fait vingt ans de cela mais je me souviens encore parfaitement de cette journée. Je parlais avec Emina et ma mère quand il y a eu une détonation. Papa n’était pas là et nous sommes tous partis nous réfugier dans la cave des Bobar.  

  •  La mutualisation : 

La phrase initiale retient l’attention de la classe : l’élève choisit en effet  de situer l’événement par rapport au moment de l’écriture, évoquant ainsi la distance qui sépare le présent de l’énonciation de l’événement raconté, distance qui ne nuit pourtant pas à la netteté du souvenir resté très présent dans son esprit. La narratrice semble indiquer qu’elle est en mesure de faire vivre avec intensité un temps fort de son enfance à ses lecteurs.  Le  style parataxique du journal ne convient donc plus : la narratrice adulte emploiera une syntaxe plus élaborée que celle d’un enfant. Elle cherchera également à souligner ses impressions et ses sensations en employant un vocabulaire plus précis et plus soutenu.

Les élèves remarquent que la seconde phrase n’insiste pas suffisamment sur le bombardement ni sur les réactions de la narratrice enfant. Ils rappellent que la  sensation auditive doit être soulignée car c’est le bruit qui déclenche aussitôt la peur panique.

Une recherche de vocabulaire sera amorcée collectivement à partir des propositions des élèves et de la consultation d’un dictionnaire en ligne comme le TLF.

 Fiche outil :

 voca bruit2
  • Suivra une seconde phase d’écriture individuelle où chaque élève veillera à exprimer les  sensations auditives de la narratrice. On pourra alors demander aux élèves de justifier les améliorations apportées sous la forme de commentaires, ce qui les incitera à adopter une posture réflexive par rapport à leur production.La fiche-outil  commencée sera mise à la disposition de tous dans l’espace collaboratif de la classe ou affichée au TBI.

 

Copie-eleve-zlata

 

  •  Le travail se poursuivra en alternant phases individuelles d’écriture et phases orales d’échange et de mutualisation. On pourra ainsi améliorer l’expression de la peur de l’enfant dans la troisième phrase de la production initiale  et préciser quel est  le regard de la narratrice adulte sur l’événement.
  •  Une production :
Cela fait vingt ans de cela mais je me souviens encore parfaitement de cette journée. Je parlais avec Emina et ma mère quand nous entendîmes de nombreux coups de canon suivis d’une effroyable détonation qui nous déchira les tympans, laissant présager le pire. La panique s’empara de nous quand les vitres furent pulvérisées. Nous étions affolées, terrorisées, épouvantées comme dans un cauchemar.

Je pensais qu’un obus était tombé sur notre maison. Nous n’avions qu’une solution : nous réfugier dans la cave des Bobar. J’entends encore les sanglots de ma mère qui s’inquiétait pour mon père qui était sorti. Je ne pourrai jamais oublier ce moment d’angoisse insupportable.   

Nous avions frôlé la mort ce jour-là et nous fûmes soulagées d’apprendre que  l’obus n’ pas tombé chez nous mais à côté. Lorsque nous sommes retournées dans l’appartement tout était sale et poussiéreux mais nous étions vivantes tout comme mon père qui était rentré sain et sauf.

 

 

 

 Bilan : compétences mobilisées au cours des différentes activités du projet

Les élèves ont compris les spécificités du récit autobiographique rétrospectif et du journal intime. Ils ont amélioré leur production écrite par le biais d’une collaboration favorisant l’émergence d’une  réflexion sur la langue. Ils ont également pris conscience de l’utilité du brouillon et ont appris à utiliser efficacement des dictionnaires numériques. Enfin, ils ont pris l’habitude de travailler ensemble dans un esprit de collaboration.

  • Annexes :

Vendredi 7 août 1992

Dear Mimmy,

Aujourd’hui, ça a tonné dans notre quartier. Je ne saurais pas dire le nombre d’obus qui sont tombés tout près de chez nous. Papa était parti avec Samra pour la distribution de l’aide humanitaire. Tout était calme, mais, brusquement, il y a eu des coups de canon. Des explosions. Ca tonnait. Emina était chez nous. A un moment, il y a eu une violente détonation. Des vitres volaient en éclats ; des tuiles dégringolaient, il y avait un nuage de poussière. On ne savait pas où aller. On était persuadées qu’un obus avait atteint notre maison. On fonçait déjà vers la cave quand on a entendu les hurlements paniqués de Nedo. Il courait vers nous à travers la poussière, les tuiles et le verre brisé. On est vite descendus dans la cave des Bobar. Ils y étaient déjà tous. On tremblait comme des feuilles. Surtout maman.  Tout en pleurant, elle a demandé où était papa, s’il était rentré. Une fois un peu revenus à nous, on a su qu’un obus était tombé sur le toit, juste au-dessus de l’appartement d’Emina. On a eu de la chance, car notre toit à nous n’est qu’à une dizaine de mètres. Tout s’est bien terminé. Nous avons vu accourir papa et Samra. Ils s’inquiétaient pour nous. Quand nous sommes remontés, l’appartement était plein de poussière et de morceaux de tuiles. On a même retrouvé un éclat d’obus dans la baignoire. Il a fallu retrousser ses manches et tout nettoyer. J’avais peur que ça recommence, mais heureusement, c’était fini.

Zlata Filipovic, Le Journal de Zlata, traduit du serbo-croate par Alain Cappon. Editions Robert Laffont, 1993