Page 1
Dans le bruit d’une ville sans âme
j’apprends le dur métier du retour
Dans ma poche crevée
je n’ai que ta main
pour réchauffer la mienne
tant l’été se confond avec l’hiver
Où s’en est allé, dis-moi
le pays de notre jeunesse ?
O comme les pays se ressemblent
et se ressemblent les exils
Tes pas ne sont pas de ces pas
qui laissent des traces sur le sable
Tu passes sans passer
Page 2
Visage après visage
meurent les ans
Je cherche dans les yeux une lueur
un bourgeon dans les paroles
Et j’ai peur, très peur
de perdre encore un vieil ami
Ce gris matin est loyal
Je lui ais gré du spleen qu’il répand
de la douleur qu’il recueille
de la gerbe des doutes qu’il m’offre
en bon connaisseur
Page 3
Si je sors
où irai-je ?
Les trottoirs sont défoncés
Les arbres font pitié
Les immeubles cachent le ciel
Les voitures règnent
comme n’importe quel tyran
Les cafés sont réservés aux hommes
Les femmes, à raison
ont peur qu’on les regarde
Et puis
je n’ai de rendez-vous
avec personne
Je me sentirai perdu
à tout âge
Page 4
Je ne suis pas ce nomade
qui cherche le puits
que le sédentaire a creusé
Je bois peu d’eau
et marche
à l’écart de la caravane
Le siècle prend fin
dit-on
Et cela me laisse indifférent
Quoique le suivant
ne me dise rien qui vaille
Page 5
Dans la cité de ciment et de sel
ma grotte est en papier
J’ai une bonne provision de plumes
et de quoi faire du café
Mes idées n’ont pas d’ombre
pas plus d’odeur
Mon corps a disparu
Il n’y a plus que ma tête
dans cette grotte en papier
J’essaye de vivre
La tâche est ardue