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David Diop, « Le Renégat »

David Diop, Coups de Pilon  (1956)

A la suite de l’Antillais Aimé Césaire et du Sénégalais Léopold Sédar Senghor qu’il eut comme professeur, David Diop reprend le concept de « négritude ». Le mot apparaît en 1935, chez Césaire, et renvoie à une prise de conscience de l’identité noire, dans le monde colonial. C’est aussi la revendication d’une appartenance à une culture autre et une condamnation du racisme.

 

Le Renégat

Mon frère aux dents qui brillent sous le compliment hypocrite

 Mon frère aux lunettes d’or

Sur tes yeux rendus bleus par la parole du Maître

Mon pauvre frère au smoking à revers de soie

Piaillant[1] et susurrant[2] et plastronnant[3] dans les salons de la condescendance[4]

Tu nous fais pitié

Le soleil de ton pays n’est plus qu’une ombre

Sur ton front serein de civilisé

Et la case de ta grand-mère

Fait rougir un visage blanchi par les années d’humiliation et de Mea Culpa[5]

Mais lorsque repu de mots sonores et vides

Comme la caisse qui surmonte tes épaules

Tu fouleras la terre amère et rouge d’Afrique

Ces mots angoissés rythmeront alors ta marche inquiète :

Je me sens seul si seul ici !

© Présence Africaine Editions, 2002

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[1] Poussant de petits cris

[2] Murmurant

[3] Se redressant pour se montrer sous son meilleur jour

[4] Attitude polie, teintée de mépris

[5] Mots latins qui signifient « par ma faute ». Lors du rituel de la confession catholique, aveu d’une faute