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Aristote, Poétique, vers 335 avant JC

Montserrat : un héros parce qu’un homme ?

 

 

Document n°1 : Aristote, Poétique, vers 335 avant JC

La tragédie est l’imitation d’une action grave, entière, étendue jusqu’à un certain point, par un discours revêtu de divers agréments, accompagné dans ses diverses parties de formes dramatiques, et non par un simple récit, qui, en excitant la terreur et la pitié, admet ce que ces sentiments ont de pénible. (…)

Voyons maintenant, après les définitions que nous venons de donner, à quoi le poète doit tendre et ce qu’il doit éviter en composant sa fable, et comment il produira l’effet de la tragédie. Puisqu’une tragédie, pour avoir toute sa perfection possible, doit être implexe et non simple, et être l’imitation du terrible et du pitoyable (car c’est le propre de ce genre d’imitation), il s’ensuit d’abord qu’elle ne doit point présenter des personnages vertueux, qui d’heureux deviendraient malheureux : car cela ne serait ni pitoyable, ni terrible, mais odieux ; ni des personnages méchants, qui de malheureux deviendraient heureux : car c’est ce qu’il y a de moins tragique. Cela n’a même rien de ce qui doit être dans une tragédie : il n’y a ni pitié, ni terreur, ni exemple pour l’humanité ; [1453] ce ne sera pas non plus un homme très méchant, qui d’heureux deviendrait malheureux : il pourrait y avoir un exemple, mais il n’y aurait ni pitié ni terreur : l’une a pour objet l’innocent, l’autre notre semblable qui souffre ; car la pitié naît du malheur non mérité, et la terreur, du malheur d’un être qui nous ressemble. Le malheur du méchant n’a donc rien de pitoyable, ni de terrible pour nous. Il reste le milieu à prendre : c’est que le personnage ne soit ni trop vertueux ni trop juste, et qu’il tombe dans le malheur non par un crime atroce ou une méchanceté noire, mais par quelque faute ou erreur humaine, qui le précipite du faîte des grandeurs et de la prospérité, comme Oedipe, Thyeste, et les autres personnages célèbres de familles semblables. Une fable bien composée sera donc simple plutôt que double, quoi qu’en disent quelques-uns : la catastrophe y sera du bonheur au malheur, et non du malheur au bonheur : ce ne sera point par un crime, mais par quelque grande faute ou faiblesse d’un personnage tel que nous avons dit, ou même bon encore plus que mauvais

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