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Ecrit d’invention à partir de la séquence « Imagine que tu es une femme »

Rappel du sujet  :

2/ Vous écrirez un extrait du roman d’amour que l’auteur tente d’écrire. Vous insérerez des passages qui ne pourraient pas être publiés en Iran et utiliserez les modes de contournement de la censure évoqués (mots ou phrases barrées ; utilisation d’images et de périphrases…)

La lune s’est levée sur Téhéran. Dara, seul dans son lit, pense à Sara. Elle passe la soirée avec son prétendant et le pauvre est abattu. Au fond de ses entrailles, il sent une douleur sourde qui bourdonne jusqu’à ses oreilles. Il en veut de tout son être à cet inconnu qui lui vole sa bien-aimée… Il se retourne dans son lit, et fait disparaître son visage dans l ‘oreiller. Il voudrait assassiner cet homme, puis partir très loin. Loin de Sara, loin de ce pays maudit, loin du monde qu’il connaît.

 

Mais alors que son esprit s’évade, une odeur  de femme le réveille de sa torpeur. C’est le parfum de Sara, qu’il connaît si bien. Celui qui sent lorsqu’il se trouve près d’elle, lorsqu’il se penche vers son cou, lorsqu’elle réajuste son foulard.Il se lève d’un bond et la cherche. Mais, bien sûr, elle n’est pas là. Pure invention de son imagination.

 

Abruti par la fatigue, l’alcool et la colère, il se laisse lourdement retomber sur son matelas.

 

Il plonge alors dans un rêve étrange. Un rêve où Sara à la chevelure libre et dansante le regarde avec ce regard dont seul les iraniennes sont capables. Il souhaite s’approcher d’elle mais, dans un balancement de hanches, la jeune fille s’enfuit. Il la poursuit à travers les rues de Téhéran jusqu’à un luxuriant jardin. Là, un serpent endormi lové dans du tissu se laisse bercer par la musicalité de sa voix féminine. Mais, sous une caresse, le serpent se redresse, sort de sa cachette et se glisse, s’insinue dans le cœur chaud du berceau de chair.

*

« Où est notre destin ?

-Je ne sais pas. Demande à notre destinée ! »

En fait, si Dara avait réglé son pas sur celui de Sara c’est peut-être parce que lui prit la folle idée qu’il serait tellement agréable d’ETRE Sara, à sa place, dans son corps. Si ces échanges de personnalité que l’on voit dans les films comme Shreck n°3, film que Dara se procurait régulièrement, étaient possibles, Dara en serait très heureux : il pourrait être toujours avec elle, la voir, la toucher. Car si on ne peut pas rencontrer l’autre, ne vaut-il pas mieux tomber amoureux de soi-même ?

Dara se sentait très bien près d’elle ; il ne savait même plus s’il vivait dans un rêve, s’il était couché dans son lit dans sa demeure ou s’il marchait bel et bien près de Sara. Il  avait l’impression de sentir sa chaleur. Ou était-ce une illusion ? Le jeune homme pensa au mariage pour ôter le péché mais n’en parla pas, par peur de choquer la jeune fille ; Dara se recula et regarda l’ombre noire devant lui. Il essaya de l’imaginer avec un chemisier simple et un pantalon, mais sans succès.

Pourquoi barrer ces mots, me demanderez-vous ? Il n’y a aucun mal à s’imaginer quelqu’un vêtu d’une façon décente ? Un homme aurait plutôt tendance à s’imaginer des femmes nues, me direz-vous. Eh bien je vous rappellerai qu’en Iran il y a la République islamique.

Sara ralentit et lui demanda pourquoi il s’arrêtait. Il était dans la lune, répondit-il. Dara repensa à cette histoire de destin. Avaient-ils un avenir ? Pourrait-il s’unir par le mariage avec l’être aimé ? Pourraient-ils un jour avoir des enfants ?

Toutes ces questions défilèrent dans sa tête. Il n’avait qu’une envie ; prendre Sara dans ses bras et le lui demander :

« J’espère, pensa Dara, que notre destinée n’est pas entre les mains d’un minable écrivain censuré… »

« Allo…

-Allô ?

Un long silence s’imposa. Ni elle ni lui n’osaient parler.

-Comment vas-tu ?… Je te dérange ?  demanda Dara, la gorge nouée.

-J’ai essayé de t’appeler tout à l’heure, répondit-elle d’une voix à peine audible

-Je ne savais pas quoi faire depuis qu’on s’est vus… . Je me sens seul. .. Tu as vu Simbad ?

-Tu sais, c’est toi que j’aime… Mes parents veulent que je l’épouse. Je ne sais plus quoi faire.

-Sara, tu es tout pour moi : le ciel, la terre, la lune, le soleil. Je voudrais tellement te serrer dans mes bras… »

Les deux jeunes gens se sentaient nourris en présence l’un de l’autre et désiraient à tout prix se revoir. Dara parla de ses rêves où Sara n’avait pas de voile et Sara de ses rêves où elle était une fleur.

Demandez-moi : Que voulez-vous dire ?

Afin que je vous réponde :

En Iran règne la censure des mots et des mœurs  et donc un couple non marié n’est pas accepté. Pour décrire deux personnes qui s’embrassent et qui s’aiment, on utilise le champ lexical des fleurs, des fruits et de la nature. Cela peut donner, de façon métaphorique :

« Le coquelicot flatté entrouvrit ses pétales et laissa le vent pénétrer son cœur frêle. Malgré la douceur inouïe de la brise matinale, les pétales se déchirèrent et le souffle chaude de ce vent d’été la fit frissonner de bonheur ».

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