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Ecrit d’invention à partir de la séquence « Imagine que tu es une femme »

Rappel du sujet :

1/ Le censeur Monsieur Petrovitch a lu le roman de S. Mandanipour. Il écrit à l’auteur pour lui faire part de ses réactions et pour lui donner sa décision en ce qui concerne la publication de ce texte. Vous ferez allusion à certains passages de l’œuvrCher Monsieur Mandanipour,

Je viens de lire votre audacieux roman d’amour. Comment avez-vous osé l’écrire ? Vous autres romanciers ne respectez ni les règles, ni la pudeur de cet humble pays, l’Iran.

Quelques petits « détails » dans votre idylle amoureuse me tracassent. Sara et Dara sont bien trop proches. Et, premièrement, ils se parlent ! Or ne savez-vous pas qu’ici, dans notre magnifique pays, il est inadmissible qu’un homme et une femme se parlent sauf s’ils sont parents proches ou mariés ?

Au tout début de votre roman, Sara et Dara se parlent par le biais de livres. Sara lit La chouette aveugle, un livre interdit dans notre république. Et non seulement elle le lit grâce à un vulgaire vendeur de livres interdits, mais elle ment en disant devoir se le procurer pour l’université. Même après quelques pages, nous voyons bien que cette Sara n’est pas une jeune fille responsable et  honnête. Ce passage-là, vous le comprendrez, sera donc censuré.

Evoquons maintenant la façon dont Dara et Sara communiquent : en pointillant des lettres dans des livres (interdits !) pour former des phrases… L’idée est ingénieuse, je dois le reconnaître. Mais aussi très immorale et dangereuse ! Dans le chapitre « Mort à la dictature, mort à la liberté » (ce nom de chapitre sera aussi censuré au vu des termes employés, nous l’appellerons donc « 1 »), nous apprenons que les points laissés par Dara sont violets. Violets, dites-vous ? Comme la couleur ? Vous l’écrivez, mais compte tenu du passage où il communique avec Sara, le terme peut prendre un tout autre sens, immoral, interdit et odieux ! Les mots me parlent, vous savez… Ils me disent des choses que l’auteur essaye de cacher… Ce passage sera donc censuré : je ne veux pas que les Iraniens aient des pensées… violettes.

Je lis ensuite, dans un chapitre dont le titre-même ne peut qu’être censuré lui aussi, « Sara et Dara ont décidé de se rencontrer dans un cinéma », « les voilà assis dans l’obscurité ». Vous fichez-vous de moi, Monsieur Mandanipour ? Premièrement ils ne peuvent en aucun cas se croiser, se regarder ni même se parler. Et vous, vous les faites rentrer dans un cinéma ? Il s’agit d’une grave atteinte à la morale. Si les jeunes lisent cela, ils auront eux aussi envie de se donner des rendez-vous illégaux. C’est inacceptable. Ensuite, vous écrivez qu’ils sont assis dans l’obscurité ! Une jeune fille et un jeune homme, ainsi, dans une pièce sans lumière ? Quelle honte pour notre pays ! Qui sait ce qu’ils peuvent faire dans le noir ? Le mot « assis » m’a dit qu’ils étaient l’un sur l’autre et « l’obscurité » a rétorqué qu’on ne pouvait pas les voir. Oui, Monsieur Mandanipour, je m’y connais en mots, ils me parlent et vous trahissent ! Je n’ai donc qu’une chose à dire concernant cet extrait : censuré !

Au début de ce même chapitre, Dara dit à cette délinquante « Je t’aime mais je ne veux plus jamais te revoir ». Amoureux ! Que connaît-il donc de l’amour ? Il est bien trop jeune et insolent pour connaître l’importance de ce mot. Car l’amour, Monsieur, est le sentiment que l’on porte à nos parents, à notre pays et non à une délinquante à qui on ose adresser la parole ! Cet extrait sera donc supprimé : je ne souhaite pas que les jeunes lecteurs pensent connaître l’amour à cause de votre histoire stupide.

En résumé, cher Monsieur, vous l’avez sans doute deviné, je n’ai pas du tout apprécié votre roman. Vos chapitres sont immoraux, remplis d’atteintes aux bonnes mœurs et à notre République islamique. Vous autres écrivains devez cesser de déjouer mes règles. Vous n’êtes d’ailleurs pas un écrivain mais un homme trop rempli d’idées occidentales. Votre ouvrage ne sera donc pas publié et vous êtes dès maintenant dans l’obligation de détruire tout exemplaire ou note évoquant de près ou de loin cette histoire de mauvais goût.

 

Avec mes respects,

M. Petrovitch

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